Les admissions en réanimation sont en baisse depuis une semaine. Statisticiens et médecins ne s’accordent pas sur la tendance actuelle mais s’attendent à une seconde vague de l’épidémie après le 11 mai.
« Nous sommes face à un plateau haut, à un très haut plateau », a annoncé mercredi 15 avril, Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé. Ce plateau correspondrait à la stabilisation entre le nombre de patients qui entrent en réanimation et le nombre de patients qui en sortent. Néanmoins, les médecins n’ont de cesse de le répéter depuis le début de la semaine : même si le nombre d’admissions dans les hôpitaux subit une très légère baisse et que quelques lits en réanimation se libèrent, l’afflux de malades reste anormalement haut. Les statisticiens affirment eux, qu’il est pour l’instant impossible de fournir des modèles statistiques « robustes » sur l’évolution réelle de l’épidémie. Médecins et statisticiens craignent néanmoins une seconde vague de contamination après le déconfinement progressif du 11 mai.
« C’est délicat de savoir si l’on arrive à une phase de plateau car on manque de données. Notamment sur le nombre de personnes infectées par région et sur les porteurs asymptomatiques. Il est donc difficile de connaître la durée de cette période », précise Jean-Michel Marin, président de la Société Française de Statistiques.
Pour la communauté mathématique, aucune des prévisions actuelles n’est « fiable » car certaines données sont inconnues comme le taux de contagion des patients ou encore le temps d’immunité après une contagion. « Cependant,les nouveaux cas qui arrivent dans les services de réanimation correspondent à des gens qui ont été contaminés post-confinement. Et si tout le monde l’a plus ou moins respecté, on imagine que l’on a atteint une forme de plateau ou un régime stationnaire », poursuit le statisticien.
Les chiffres (du plateau) annoncés par le ministère de la Santé ne prennent pas en compte deux variables, le temps d’incubation du virus et le temps de la période en réanimation pour malades. Pour les « premières lignes » de la santé, il s’agit plus d’une temporisation sur les entrées qu’une baisse du nombre de malades. « Les patients mettent 2 à 3 semaines avant de se remettre sur pied », explique Laurent Rubinstein, infirmier à la maternité Robert Debré et membre du collectif Inter-urgence. « Il y a moins de gens en réanimation mais il y a encore beaucoup de personnes qui nécessitent les machines », insiste-il.
Pourtant selon le professeur Djillali Annane, chef du service de réanimation à l’hôpital Raymond-Poincaré, un équilibre se fait sentir : « Mais nous sommes au maximum de nos capacités, mesure le professeur. Je pense que ça va durer jusqu’à la mi-mai, on sera dans une situation où le nombre de patients sera inférieur à la moitié de la capacité des lits de réanimation si les choses continuent sur ce rythme-là », espère Djillali Annane.
Une deuxième vague inéluctable
Malgré une réalité statistique complexe à définir, les chercheurs et les soignants s’accordent sur une chose : une deuxième vague de l’épidémie se déclenchera. Les seules alternatives pour éviter le retour du virus est qu’une grande partie de la population soit immunisée contre le virus, ou qu’un vaccin soit découvert d’ici au 11 mai, date prévue du déconfinement progressif annoncée par Emmanuel Macron.
« Pour moi la deuxième vague, elle est inéluctable. En partie parce que le taux d’immunisation qui est inférieur à 10% ou 12 % selon les sources, est très insuffisant pour que le virus arrête de circuler. Et dès lors que les gens vont ressortir, et que les contacts entre les personnes vont reprendre, il y aura une reprise de l’épidémie », confirme Djillali Annane. Pour ce chef d’un service de réanimation ce serait un « miracle » que l’on trouve un remède avant le déconfinement progressif du 11 mai.
Pour les services de santé, l’idée d’une seconde vague de l’épidémie est admise. Laurent Rubinstein espère cependant ne pas subir un deuxième pic de contamination de la même intensité que la première. « On attend que les cas baissent, mais on s’attend à ce qu’il y ait tout le temps du Covid-19. Avec peut-être moins de personnes qui présenteront les symptômes et surtout moins de cas graves », se résigne l’infirmier.