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Russie : le calme avant la tempête

24 490 cas d’infections au coronavirus ont été signalés en Russie et 198 décès. En une journée, plus de 3 338 nouveaux cas ont été recensés en une journée, un record pour le pays depuis le début de la pandémie.

Le pays enregistre chaque jour des records de nouvelles personnes contaminées par le covid-19. Le premier citoyen de la Fédération de Russie infecté par le coronavirus et traité en Russie était un homme de 29 ans qui était revenu d’Italie le 23 février dernier. 84 régions sur 85 de la Fédération de Russie ont été touchées par la pandémie. Les régions les plus touchées par le Covid-19 sont Moscou, Saint-Pétersbourg, la région de Nijni Novgorod et la République de Komi. Seule une région du pays n’a enregistré aucun cas d’infection : la République de l’Altaï.

La Russie n’a pas encore atteint le pic de l’épidémie. Cependant, au niveau des nombres de cas par semaine, la Russie est presque à égalité avec l’Italie, mais les taux de mortalité officiels sont encore beaucoup plus bas. Le gouvernement fédéral, qui a tendance à affirmer son pouvoir,  a redécouvert en partie sa gouvernance fédérale. « On a l’impression que le gouvernement fédéral s’est déchargé sur les régions pour décider ce qu’elles ont à faire et en même temps il essaie de les encadrer », déclare le professeur Jean Radvanyi Co-directeur du CREE (Centre de recherches Europe-Eurasie) à l’INALCO (Institut national des langues et civilisations orientales). « Certaines régions ont pris des initiatives. La plus spectaculaire est celle de Ramzan Kadyrov en Tchétchénie, qui a carrément fermé les frontières. Mais elle a très vite été critiquée, notamment à Moscou, qui a montré son désaccord face à cette mesure. » Le maire de Moscou a quant à lui renforcé les mesures de contrôle du confinement.  « Tous les gens qui circulent en moyens de transport et en voiture ont un QR code pour une raison valable. » Un dispositif  largement remis en cause, en raison des longues files d’attente qu’il provoque

Au niveau fédéral, « ils ont minimisé le risque de pandémie, et en même temps ils ont très tôt fermé la frontière avec la Chine. ll y a encore très peu de cas mais, les chiffres sont très certainement sous-estimés », indique le spécialiste. Les experts avertissent que la capacité de test de la Russie est entravée par une bureaucratie. Tandis que les responsables avertissent que le nombre réel de cas est probablement beaucoup plus élevé. Les chiffres officiellement communiqués par les autorités ont suscité des soupçons, en particulier après que la Chine, avec laquelle il partage une frontière longue de  2700 km, ait signalé une nouvelle vague d’infections provenant principalement de la frontière russe. Les autorités fédérales ont longtemps insisté à appeler le virus « pneumonie extrahospitalière » plutôt que Coronavirus ou Covid-19. « Ça dérange les autorités » concède le Pr. Jean Radvanyi.

Les défauts d’un système de santé mis en lumière

« Ils ont mobilisé tous les systèmes sanitaires. Devant les autorités, Vladimir Poutine a rappelé toutes les mobilisations faites dans le secteur et a appelé tous les étudiants en médecine. Cela montre qu’il y a tout de même une préoccupation », précise le professeur. Désormais le pays doit faire face à une pandémie avec un système de santé impuissant. Seul 7% du PIB n’est accordé qu’au système de santé. Depuis les années 2000, à la suite de réforme, le système sanitaire est à deux vitesses. Avec d’un côté, sur un modèle libéral, des cliniques privées, qui sont prises en charge par des entreprises avec des soins de bonne qualité. Et de l’autre, des hôpitaux proposant des soins gratuits mais peu efficaces.  « Il manque des médicaments, du matériel médical… Les hôpitaux publics fonctionnent sur une base des soins basique, insuffisante pour des soins de qualité. », indique l’expert : « impossible de prédire si ce système de santé supportera le poids du coronavirus. La Russie est un vaste pays avec beaucoup de provinces qui ont l’habitude de rester en quasi-autarcie ». Néanmoins, à l’Hôpital de Saint-Pétersbourg, les équipes médicales se préparent à une vague de Covid-19. Le 14 avril, 799 cas ont été confirmés à Saint-Pétersbourg.  Près de 270 ambulances arrivent chaque jour à l’hôpital, avec majoritairement des cas de Covid-19, qui présentent une pneumonie ou autres symptômes respiratoires. Lorsque l’hôpital a reçu l’ordre de commencer à fonctionner en tant que centre des maladies infectieuses à la fin du mois de mars, il y avait déjà une grave pénurie d’équipements de protection, soit des masques respiratoires hermétiques, des blouses chirurgicales et des équipements oculaires.

Le Virus ou la faim 

« Le gouvernement a décrété que toutes les entreprises qui n’étaient pas indispensables seraient fermées en prenant en charge les salaires. » Au cours de la première semaine chômée, du 30 mars au 5 avril, les dépenses de la population se sont effondrées de 21 %, rapporte la Nezavissimaïa Gazeta. Cette chute pourrait atteindre 25 % à la fin du mois, ce qui représenterait près de 1 000 milliards de roubles (12,2 milliards d’euros) de perte de PIB. « D’une part, ceux qui étaient employés au noir, ne seront plus payés du tout. D’autre part, on a les PME qui n’ont pas les moyens et qui ne reçoivent pas encore d’aide. L’inquiétude est donc bien présente. » 90 % de ces établissements risquent de ne pas rouvrir à la levée du confinement, rapporte le quotidien économique d’opposition Vedomosti, qui fulmine contre les mesures gouvernementales.

La politique du Vladimir Poutine, reçoit beaucoup de critiques, car elle privilégie les grandes entreprises et les populations plus aisées. Pourtant, « les grandes entreprises préfèrent mettre leurs salariés au chômage plutôt que de suivre les règles de l’Etat ». En conséquence, la Chambre des Commerces russe a annoncé que plus de 8 millions de personnes ont perdu leur emploi alors que la Russie ne souffre que très peu du chômage en temps normal, et ce grâce à la fluidité de son marché. La mesure la plus importante dont parlent les autorités est la possibilité de recevoir des allocations chômages. Elles s’élèvent à un maximum de 20 mille roubles (243,85 euros), l’équivalent du revenu moyen en Russie en 2003-2004. Pour soutenir le budget de l’État, les plus riches seront mis à contribution : une taxe de 13 % sera prélevée sur les intérêts bénéficiaires pour les dépôts bancaires de plus de 1 million de roubles (11 600 euros) et l’impôt sur les revenus offshore passera de 2 % à 15 %.

En plus de cette crise sanitaire, la Russie subit de plein fouet une crise pétrolière. D’après le Pr. Jean Radvanyi,« le cours du baril a chuté, alors qu’une grande partie des recettes budgétaires proviennent du gaz et du pétrole. » Le Fonds de richesse nationale, créé en 2008, est un budget alimenté par les revenus des ventes d’hydrocarbures. Il compte plus de 150 milliards de dollars (140 milliards d’euros), soit près de 10% du PIB russe. « Il ne puise que modérément dans ce fonds malgré les appels des familles pour obtenir plus d’aide », précise le spécialiste. Des milliers de personnes craignent de perdre leurs revenus. De nombreux Russes redoutent également de revivre l’époque des réformes économiques des années 90, où la population russe avait diminué, et où le taux de mortalité annuel avait dépassé le taux de natalité. Une période également marquée par une vague de chômage, de pauvreté et de criminalité. « On s’attend à ce que le PIB chute de 1% à 5% ou 0% ». Des difficultés qui mettront à rude épreuve la ténacité de l’économie russe.

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Etudiante en journalisme, je recherche un stage de 3 mois dans une rédaction de presse française.

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