En pleine crise sanitaire, le Parlement polonais décide de voter une loi interdisant l’avortement en cas de malformation de l’embryon. Malgré le confinement, les Polonaises ont décidé de manifester dans les rues et sur les réseaux sociaux.
En Pologne, le projet de loi citoyen « Stoppons l’avortement » fait son grand retour ce 15 avril sur les bancs de la Diète (le Parlement polonais). Cette initiative a été orchestrée en 2016 par des organisations ultra-catholiques afin d’interdire l’avortement en cas de malformation du fœtus. C’est l’une des trois conditions prévues dans la loi polonaise pour se faire avorter. Les deux autres sont en cas de viol ou inceste et de danger de mort imminente pour la mère.
Déjà en 2016, ce projet de loi avait été vivement critiqué par les Polonaises, provoquant des manifestations dans les rues de Varsovie et de Cracovie avec le mouvement Czarny Protest. Des milliers de femmes vêtues de noir avec des parapluies s’étaient rassemblées dans la rue pour s’opposer à cette loi anti-avortement. Elle a été présentée devant les parlementaires de la Diète, majoritairement composée de députés du parti politique ultra conservateur, le PiS. Première victoire à l’époque pour ces femmes, le texte a été envoyé en commission parlementaire. En 2018, il refait surface mais là encore, le projet est sans suite.
En pleine crise sanitaire, ce droit fondamental de la femme à disposer de son corps est encore remis en débat. C’est ce 15 avril qu’il doit être voté. La journaliste correspondante à Varsovie, Fany Boucaud, explique la situation : « Voter ce projet de loi maintenant n’est pas dû au confinement, mais parce qu’administrativement les députés doivent traiter au plus vite ce texte de loi avant qu’il ne parte définitivement aux oubliettes. »
Dans la constitution polonaise, tout être vivant a le droit à la vie. Cet argument sert de fer de lance aux personnes mobilisées pour ce projet de loi, parmi elles, Kaja Godek. Cette femme politique ultra catholique, inscrite sur la liste Konfederacja du Parlement européen, est à l’origine de ce texte citoyen. Devant le Parlement polonais ce 15 avril, elle professe : « L’avortement est pire que le coronavirus. » Pour légitimer son action anti-avortement, elle se sert de l’exemple de son fils atteint de trisomie 21. Cette organisation reçoit également le soutien du cabinet Ordo Iuris, un lobbying composé d’avocats et de juristes pro-catholiques. Ce dernier donne une consistance juridique et institutionnelle à ce texte.
Des femmes combatives
Malgré l’épidémie, les associations féministes sont présentes dans la rue. Les Polonaises protestent ce mardi 15 avril pour faire pression sur les élus ultra-catholiques. Selon Fany Boucaud, ces manifestations ont fait beaucoup de bruit : « Hier et aujourd’hui les Polonaises se sont quand même rassemblées à l’extérieur. Elles ont placardé leurs voitures d’affiches du Czarny Protest et klaxonnent partout. »
Toutes les ONG internationales soutiennent massivement le droit à l’avortement en Pologne. « Le pays étant verrouillé, le gouvernement tente à nouveau d’interdire l’avortement », juge l’association féministe, Abortion Support Network. Cette organisation s’organise sur les réseaux sociaux afin de réunir la population autour des hashtags #PolskiePieklo ou #OdrzucProjektGodek. Même en temps de pandémie, la lutte continue.
Les mesures encadrant l’IVG sont déjà draconiennes en Pologne mais ce projet de loi restreindrait encore plus la liberté des Polonaises. Procéder à une IVG encourt une peine de cinq ans de prison. L’avortement médicamenteux est également illégal, néanmoins quelques associations acheminent par colis des pilules abortives de pays limitrophes. Des filières clandestines en Allemagne ou en Slovaquie proposent aux Polonaises de se faire avorter dans des cliniques spéciales mais onéreuses. Celles qui ne peuvent avoir accès à ces services font appel à des faiseuses d’anges, au risque d’y laisser leur vie. Tous les ans, 150 000 avortements sont réalisés illégalement à l’étranger contre 1 100 légaux en Pologne.
Une majorité des Polonaises contestent farouchement les décisions politiques prises par le PiS et comparent certains de leurs agissements à ceux de l’ère communiste, sauf qu’à cette époque l’avortement était légal.
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