Économie

Le douloureux chemin de croix de la presse écrite

Un repli de 80% des ventes de certains numéros, des publicitaires aux abonnés absents, une offre web encore timorée… la pandémie du coronavirus assène un coup de massue à une presse écrite déjà fragilisée.

La pandémie du Covid-19 fait planer une épée de Damoclès au-dessus de la tête des titres de presse. Elle menace de facto la pérennité financière de certains quotidiens. Les marchands de journaux figuraient sur la liste des « commerces indispensables », toujours ouverts, dressés par Emmanuel Macron lors de son allocution du 17 mars dernier. Mais 15% d’entre eux ont décidé de fermer temporairement boutique, dont 40% en région parisienne.

Brieux Férot, directeur du développement au sein du groupe So Press (So Foot, Society, So Film) dresse un bilan « dramatique » de la situation actuelle : « On enregistre une chute de 40 à 45% de nos ventes de magazines depuis le début du confinement. Tous nos annonceurs ont plié bagage. Ce n’est pas une érosion de 40 ou 50%, c’est une évaporation de 100% d’entre eux ! Nous bénéficions encore d’annonceurs qui s’étaient engagés à figurer dans nos numéros il y a deux ou trois mois, mais tous les autres ont tous déserté ». Certaines études estiment que les groupes de presses voient échapper 25% de leurs chiffres d’affaires avec cette fuite de la publicité.

A l’heure de la transition numérique, ce manque à gagner représente un véritable gouffre financier pour une presse écrite déjà à l’agonie. Le marasme des affaires s’aggrave de jour en jour pour les presses spécialisées, notamment dans la culture ou le sport. « Pour So Foot et la presse sportive, nous n’aurons plus d’événement à couvrir d’ici six mois. A titre d’exemple, l’année de tennis sera une saison blanche. L’annulation de Roland-Garros est un secret de polichinelle. Le Groupe Amaury, partenaire du Tour de France, va être lourdement impacté par la probable annulation de l’épreuve », renchérit Brieux Férot.

Les destins des groupes de presse français sont intimement liés au sort de leur principal distributeur : Presstalis. La société de messagerie de presse, au bord de la banqueroute, est en situation de cessation de paiement. Elle a été placée en redressement judiciaire par l’Etat français (repoussé d’un mois en raison du confinement). « Avec la cessation de paiement de Presstalis, qui nous distribue à travers l’Hexagone, nous rentrons davantage dans une période inconnue. Nous ne sommes ainsi pas en mesure de dire si nous produits seront disponibles en kiosques dans les mois qui viennent », explique Brieux Férot. Deux plans de sauvetage, respectivement de la presse quotidienne et de la presse magazine, sont actuellement à l’étude. Le 5 avril, le Comité interministériel de restruc­turation industrielle (CIRI) a accepté que l’Etat tranche entre les deux options mises sur la table.

Les deux genoux à terre

Durant cette crise sanitaire, la presse écrite se voit contrainte de se réinventer et d’expérimenter de nouveaux concepts : « So Foot testé séances de live avec des sportifs. Elles ont connu un grand succès chez les jeunes […] La création des newsletters a aussi créé un engouement inattendu : en l’espace de quatre semaines, So Press a accueilli près de 20 000 abonnements. Cette situation nous pose la question des médias de demain : comment attirer un public plus jeune, qui ne s’informe pas de la même manière que la génération qui la précède ? ». Malgré l’anticipation de la révolution numérique par le groupe SoPress, fort d’une présence massive sur les réseaux sociaux, l’année s’annonce douloureuse : « Il serait erroné de penser que So Press sera épargné par cette crise d’ampleur inédite. Il ne faut pas s’y tromper, le bilan sera chaotique pour l’année 2020. Certains titres de So Press vont disparaitre, d’autres vont être tout simplement absorbés », prédit Brieux Férot.

Les prémices de cette future hécatombe sont déjà perceptibles. Paris-Normandie, quotidien régional réputé, est mis cessation de paiements à partir de vendredi 17 avril. Sa demande de mise en liquidation judiciaire avec poursuite d’activité de trois mois doit être examinée mardi 21 avril au tribunal de commerce de Rouen. Le calvaire se poursuit pour la presse écrite française, proche de mettre le deuxième genou à terre.

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Etudiant en journalisme à l'ISCPA, je suis à la recherche d'un stage de trois mois au sein d'une rédaction de presse française ou espagnole.

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