Malgré la culpabilité engendrée par la transgression des règles de confinement, les dangers sanitaires et sanctions auxquelles elles s’exposent, de nombreuses personnes vivant de la prostitution n’ont d’autres choix que de poursuivre leurs activités.
En France, l’arrêt des déplacements a des conséquences terribles sur les populations les plus précaires, et sur les 30 000 travailleurs du sexe notamment. 97 % de ces personnes n’ont pas la nationalité française, et beaucoup n’ont accès à aucun minima sociaux, ou aide extérieure.
Elodie Pelissier, déléguée départementale du Mouvement du nid, association humanitaire venant notamment en aide aux victimes de la prostitution déclare : « Il est certain que la prostitution ne s’est pas arrêtée, certaines personnes sont obligées de continuer pour vivre, sans ça, elles n’ont rien pour payer les courses et le loyer. » Elles se retrouvent alors malgré elles, complices d’une propagation du virus en s’exposant à un risque sanitaire immense. Un danger pour elles, comme pour leurs proches.
De plus, l’impossibilité de payer les loyers les confronte à l’angoisse de la rue. La trêve hivernale, qui interdit les propriétaires d’expulser leurs locataires si ces derniers n’ont pas les moyens de payer, a été prolongée, mais elle ne couvre pas tous les cas. Pour ceux qui vivent à l’hôtel ou en sous-location par exemple, la trêve ne s’applique pas : « Elles n’ont aucune existence réelle, aucun droit de rester dans les logements. » déclare Antoine Baudry de l’association Cabiria, qui vient en aide à ces personnes.
Ces situations créent un stress intense chez des individus déjà fragiles, et parfois avec des enfants à charge. « On reçoit beaucoup d’appels qui témoignent d’une angoisse profonde, celle de ne pas savoir comment faire face à des besoins primaires. » témoigne Roberta de Rosace chef de service au sein de l’association Autres regards.
Un travail non reconnu
En réponse à ce constat terrible, différentes associations de défense des travailleurs du sexe ont fait parvenir une lettre ouverte au président de la République, à son Premier ministre et à la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes. Ils demandent l’ouverture d’un fond d’urgence et un hébergement gratuit pour les prostitués, souvent coupés de toutes sources de revenus. Des mesures visent à ne laisser personne : « sous le seuil de pauvreté ». Mais la réponse de Marlène Schiappa est sans appel : « Par définition, nous partageons le constat qu’il est très compliqué pour l’État d’indemniser une personne qui exerce une activité non déclarée telle que la prostitution. »
Une autre tentative d’aide existe et vient d’un groupe de douze parlementaires de la République en marche. En 2016, une loi pénalise « la consommation de biens sexuels », et développe un parcours visant à encourager une « sortie de la prostitution ». Aujourd’hui, moins de deux cents personnes sont aidées par ce système, et une grande partie du budget qui y est alloué est inexploité. Les députés demandent donc que ces crédits soient utilisés afin de subvenir aux besoins humanitaires urgents. A ce jour, l’idée n’a pas été retenue par le gouvernement.
Un blocage idéologique
Pour June Charlot, médiateur santé de Grisélidis, une association de protection des travailleurs du sexe, cette absence de réponse relève d’un manque de considération de la part du gouvernement. Pour lui, c’est une violence faite aux femmes et il faut l’abolir. Une pléthore de lois complique l’activité, comme celle du 6 avril 2016 par exemple, qui punit le client d’une amende de 1500 euros.
Bien qu’elle abolisse les mesures punitives à l’encontre des « activités de racolage », cette loi a des conséquences néfastes pour les prostituées qui ont observé un changement dans les rapports de force. Les risques encourus par les clients et la diminution de leur nombre permettent à ceux qui restent de négocier les tarifs.
A tout cela s’ajoute l’obligation de se cacher des forces de l’ordre, dans des zones parfois peu éclairées. Les travailleurs se trouvent donc exposés aux violences, et des lois leur interdisent d’engager des agents de sécurité qui pourraient être considérés comme des proxénètes. Elles empêchent également aux prostitués de louer un appartement « professionnel », car le propriétaire serait également complice de proxénétisme.
« Ces lois ne protègent pas les travailleurs mais les exposent à plus de violence et de précarité. Il est évident que l’Etat n’a pas du tout envie de débloquer un fonds d’urgence pour ces personnes-là. » ajoute le médiateur santé.
Plusieurs cagnottes se sont ouvertes pour leur venir en aide mais les sommes récoltées, bien qu’importantes, ne suffiront pas à subvenir aux besoins de ces personnes. L’appui proposé par les associations n’est nullement soutenu par le gouvernement et des centaines de femmes, si ce n’est plus, risquent de finir à la rue.
Etudiant en deuxième année de journalisme à l'ISCPA je suis à la recherche d'un stage d'une période de trois mois en presse écrite.