Alors que la ville chinoise de Wuhan amorce son déconfinement, les autorités chinoises redoutent une deuxième vague épidémique dans la province du Heilongjiang, frontalière de la Russie.
La Chine n’est pas tirée d’affaire face à la pandémie de Covid-19. Alors que les autorités chinoises se veulent rassurantes depuis des semaines, assurant contrôler la propagation du nouveau coronavirus, 108 nouveaux cas y ont été recensés en 24 heures, lundi 13 avril. Le chiffre le plus élevé depuis le 5 mars en Chine, qui enregistrait 143 nouvelles contaminations ce jour-là.
Ces nouveaux cas de contaminations sont notamment localisés dans le Heilongjiang, province située à l’extrême nord-est de la Chine, à 1500 kilomètres de Pékin. C’est dans cette région, frontalière de la Russie, que les nouveaux contaminés du Covid-19 sont les plus nombreux. Afin de prévenir tout nouveau foyer, la Chine a fermé sa frontière avec la Russie. La ville de Suifenhe notamment, où 79 personnes ont été testées positives lundi, suscite les inquiétudes.
Alors que Wuhan, capitale de la province du Hubei et berceau de l’épidémie, desserre progressivement l’étau du confinement, Suifenhe a, à l’inverse, imposé un confinement à ses 100 000 habitants. Face au risque de propagation, les autorités locales ont dû transformer un bâtiment administratif en hôpital de campagne, capable d’accueillir jusqu’à 600 patients.
Des cas « importés »
« Nous croyons en effet qu’une deuxième vague épidémique est possible par des cas importés. Des gens sont retournés en Chine et ont rapporté la maladie chez eux, explique Stephanie Bickman, chargée de communication à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Certains sont rentrés plus récemment car la situation s’est un peu calmée, ce qui explique cela. Mais oui, une deuxième vague est possible ».
Depuis que la Russie a pris la décision de suspendre ses liaisons aériennes avec la Chine le 14 février, la ville frontière de Suifenhe est devenue l’unique moyen pour les ressortissants chinois de regagner leur pays, indique notamment Reuters. Une porte ouverte qui a donc favorisé la propagation du nouveau coronavirus dans cette zone située à 300 kilomètres de la Corée du Nord.
Pour Pierre Picquard, docteur en géopolitique, une deuxième vague était « attendue » de par l’immensité du territoire et de la densité de la population chinoise : « Ça ne m’étonne pas que de nouveaux cas apparaissent. Mais les autorités chinoises sont beaucoup plus prêtes, plus armées que lors de l’apparition du virus en novembre, décembre de l’année dernière », estime ce spécialiste de la Chine, incluant celles du Heilongjiang.
« Etant donné que la Chine a été très discrète lors de la première vague (épidémique), comment va-t-elle agir lors de la seconde ? C’est délicat de le dire parce qu’on ne sait pas trop comment la Chine a agi lors de la première », soulève Jean-Louis Viaud, géographe.
Une différence de richesses importante
Selon lui, la Chine, comme n’importe quel pays, apprend de ses erreurs. « Lors de la deuxième vague, elle va avoir de l’expérience, c’est déjà un atout. Y a un deuxième atout, derrière son expérience, elle a aussi du matériel ». Pour autant, il faut s’interroger sur la capacité des services sanitaires à encaisser une deuxième vague de Covid-19. « Si une deuxième vague leur arrive dessus, est-ce que le personnel chinois, les soignants, seront capables physiquement, moralement, d’être autant au maximum que lors de la première vague ? »
Cette région, dont la capitale est Harbin, une mégalopole de 12 millions d’âmes, profite du tourisme en hiver grâce à son climat très froid, favorable aux sports d’hiver. Harbin, une ville industrielle florissante, est le plus important centre économique, politique, culturel et le lieu de communication de la Chine du nord-est. Fondée au début du XXe siècle par des entrepreneurs russes en quête de prospérité, la ville comptait encore 40 000 Russes en 1917. De nos jours, ils en sont quasiment absents.
Mais l’habit ne fait pas (forcément) le moine, et Harbin semble beaucoup plus prospère que le reste de la région chinoise. « La région de Heilongjiang, comme toute la Mandchourie, accuse un retard de développement économique et d’élévation du niveau de vie ces dernières années comparé au reste de la Chine de l’Est du fait de la crise qui touche la Sibérie russe et du poids d’une industrie qui peine à se moderniser », explique M. Viaud. Reste à savoir si ces écarts de développement auront des conséquences sur une potentielle seconde vague épidémique, notamment au niveau sanitaire.
Depuis le début de la pandémie, 83.402 cas ont été recensés en Chine continentale, pour 3.346 décès.