Décryptage

Prisonniers de l’habitat indigne

La crise sanitaire met en lumière de nombreuses inégalités. Désormais confiné jusqu’au 11 mai, près de 600 000 personnes vivent au sein de logements indignes.

« Dans mon logement certaines pièces sont insalubres. J’ai des problèmes d’isolation et de ventilation, qui donne lieu à des moisissures. Des prises ne fonctionnent pas, c’est révoltant », décrit Laurence, domiciliée au sein de la résidente la croix verte d’Aix-en-Provence. « Je suis sous les combles, et ils sont dans un très mauvais état. Il y a des infiltrations d’eau, des nids d’oiseaux et c’est tout pourri. »

Comme elle, 2 187 000 de français vivent dans ces logements inadaptés selon les chiffres de 2017 de la fondation Abbé Pierre. Près de 600 000 logements sont caractérisés d’indignes. « Une partie de la population française est confrontée à différents problèmes. L’habitat indigne recouvre ces différentes notions qui vont du non-respect des règles de décence, à l’infraction au règlement sanitaire départemental jusqu’à la notion de péril ou insalubrité », explique Isabelle Chanel, directrice de l’Agence départementale pour l’information sur le logement. « La notion de décence est une notion d’ordre public. Le logement ne doit pas présenter de risque pour la santé des occupants. »

Aujourd’hui, en période de confinement, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. La sur-occupation des foyers touche 8 583 000 ménages en France. Parfois même au sein d’habitations ne respectant pas les règles de surface réglementaire. Un logement doit obligatoirement comporter une pièce présentant une surface habitable de 9m2 et une hauteur de sous-plafond minimale de 2.20 mètres, ou bien atteindre un volume de 20m3.

Même si aujourd’hui, la plupart des habitations proposent un accès à l’eau chaude et au matériel sanitaire essentiel, d’autres types d’inconfort perdurent.

Confiné toute la journée, « un impact sur la santé »

La catastrophe de la rue d’Aubagne a remis au premier plan ces problématiques du logement indigne. Pour rappel, le 5 novembre 2018, deux immeubles vétustes au milieu de Marseille s’effondrent, provoquant la mort de 8 personnes.

L’insalubrité des logements apparait désormais comme une réalité funeste. Pour Isabelle Chanel les atteintes à la santé provoquée par l’insalubrité ou à la sécurité des occupants par un péril apparaissent parmi les formes les plus graves de l’habitat indigne.

Il est pourtant paradoxal de voir de l’habitat indigne lorsque l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, loi d’ordre public régissant les relations entre locataires et bailleurs, stipule que « le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. »

« La moisissure dégage les spores. Ce n’est bon pour personne au sein du foyer. Ça montre cependant que notre appartement n’est pas sain », s’indigne Laurence. Toujours selon l’étude menée par la fondation Abbé Pierre, l’humidité et la moisissure augmentent de 1.5 à 3.5 fois le risque de contracter des infections respiratoires. « Il y a beaucoup d’impacts sur la santé. Si des pathologies sont présentes notamment en présence d’importantes moisissures, le risque d’impact sur la santé des occupants est manifeste. La situation est d’autant plus inquiétante en période de confinement : en temps normal, les occupants de ces logements sont amenés à quitter une partie de la journée leur logement en se rendant leur travail ou pour les enfants en allant à l’école, ce qui réduit le temps l’exposition aux spores des champignons. En période de confinement l’exposition est permanente et génère un risque de problématiques respiratoires notamment »,souligne Isabelle Chanel.

Excédée par la situation, Laurence affirme avoir contacté à plusieurs reprises son bailleur. « Ils sont venus quelques fois. Ils mettent 4 mois pour se déplacer alors que je signale dans les temps. Ils ont tenté de réparer la ventilation, mais ça n’a rien changé. Ils ont repeint le plafond, un mois après il a moisi de nouveau. » 

Isabelle Chanel, consciente de la multiplicité des habitats indignes en France, explique que le contrôle de ces logements est très complexe. « Souvent les personnes veulent simplement quitter le logement plus que d’y rester et obtenir les réparations. Ils ne nous informent pas de l’indignité du logement qu’ils quittent. »  

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