Chaque jour, 360 000 Français traversent une frontière pour aller travailler. Mais entre la fermeture des frontières et la mise à l’arrêt de certains secteurs, se rendre sur son lieu de travail n’a jamais été aussi compliqué.
Le 17 mars dernier, le président de la République, Emmanuel Macron, décrétait un confinement généralisé. Il emboitait le pas à la Belgique, qui annonçait la mise en place du confinement le lendemain. Le 16 mars, c’est la Suisse qui entrait en état d’urgence sans pour autant confiner sa population. L’Allemagne, quant à elle, se confinait le 22 mars. Confinement oblige, les pays ont procédé à la fermeture de leurs frontières.
Dans la foulée, le ministère de l’Economie passait un accord avec l’Allemagne, la Belgique, la Suisse et le Luxembourg, pour que le télétravail des transfrontaliers n’entraîne pas de conséquence sur leur régime d’imposition. Dans tous ces pays, les écoles, bars et restaurants sont fermés. Les salariés employés dans ces domaines sont donc au chômage partiel voire parfois licenciés.
Dans les Hauts-de-France, 24 000 habitants peuvent aller travailler chaque jour en Belgique. Dès la fermeture des frontières, les autorités ont annoncé, que les travailleurs transfrontaliers pourront passer la frontière sereinement. Que ce soit en voiture ou en train, les Thalys étant maintenus. En cas de contrôle, les travailleurs doivent se munir de leur justificatif d’emploi en Belgique, bien que l’attestation ne soit pas obligatoire pour circuler dans le pays.
La relation Franco-Suisse
Avec la Suisse, les relations ne sont pas forcément au beau fixe. Le sénateur de Haute-Savoie, Loïc Hervé, s’inquiétait à la mi-mars des règles de confinement suisses : « Alors que nous sommes en ‘état de guerre’, nous avons des dizaines de milliers de frontaliers qui font des allers-retours chaque jour. Le confinement doit être renforcé en Suisse. En Haute-Savoie, notre imbrication humaine et territoriale est telle avec Genève, Vaud et le Valais que nos efforts sont vains et nous risquons bien de payer lourdement les conséquences de leurs choix. »
Ces déclarations n’ont évidemment pas plu aux responsables helvètes, qui lui ont répondu : « Tandis que le chef des armées Macron déclare que la France est en guerre et donne une dimension martiale à la gestion de la crise, le Conseil fédéral suisse insiste sur la responsabilité individuelle et préfère la métaphore sportive du marathon. »
Désormais, il n’y a plus de différence majeure en termes de confinement entre la Haute-Savoie et la Suisse, les tensions se sont donc apaisées.

Pour les transfrontaliers, le temps de trajet a toutefois été considérablement allongé à cause du rétablissement de contrôles aux frontières. Néanmoins, une voie privilégiée a été créée pour les « employés d’un service prioritaire » tel que le personnel hospitalier. Une bonne initiative pour les 30 000 Français travaillant dans le secteur médical helvétique.
Daniel, un Français employé dans la restauration en Suisse, ne travaille plus depuis le 16 mars dernier. Ce jour-là, le gouvernement suisse a interdit tout rassemblement et fermé tous les commerces non essentiels. Il raconte : « J’ai la chance d’être au chômage partiel et de ne pas avoir été licencié. Si ça se prolonge dans la durée je me demande bien comment le restaurant va tenir le coup. »
Jean-François Besson, secrétaire général du groupement transfrontalier européen explique la situation franco-suisse : « Il y a eu d’abord des aménagements liés au télétravail. Normalement, la règle qui prévaut à l’international est la suivante : si quelqu’un fait plus de 25% de télétravail, les charges sociales doivent être assumées par le pays d’origine du salarié. Un assouplissement des règles a donc eu lieu, permettant aux travailleurs transfrontaliers de travailler depuis leur domicile en France, sans pour autant que l’entreprise suisse ne paye ses charges sociales en France. » Il juge cette phase transitoire très intéressante, avec « une bonne réactivité des gouvernements ».
Concernant le cas des employés ne pouvant ni se rendre sur leurs lieux de travail, ni effectuer du télétravail. Mr Besson explique que l’utilisation du chômage partiel est courante. Il nuance cependant, en ajoutant qu’un fort recours au licenciement dans certains secteurs « où l’embauche et le débauchage se font très facilement » est à prévoir. Lorsqu’il y a chômage partiel, « si l’employé est salarié en Suisse, il bénéficiera du chômage partiel suisse. » A l’inverse, si un salarié français travaillant en Suisse est licencié, il devra s’inscrire à Pôle Emploi et sera indemnisé par la France.
Pour l’heure, les mesures de semi-confinement en Suisse doivent se prolonger jusqu’au 26 avril. Pour nos voisins belges, le déconfinement censé avoir lieu le 19 avril sera sûrement repoussé au 3 mai.