Source de la pandémie, la Chine envoie ses équipes médicales et du matériel sanitaire à travers le monde. Une démonstration de sa capacité de rebond en retournant la situation à son avantage.
« La Chine doit retrouver une position qui lui permettra de ne pas être accusée par tout le monde, donc elle reprend sa position ‘d’usine du monde’ et est capable d’une réactivité extraordinaire », affirme Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). En Afrique, au Nigeria, au Pakistan, au Kazakhstan, en Italie ou même en Russie, la Chine a envoyé des équipes médicales et du matériel dans plusieurs pays. En parallèle, Pékin a encouragé la production d’équipements médicaux afin de les vendre aux pays dont les stocks se font rares. Depuis le début du mois de mars, la Chine a vendu près de 4 milliards de masques à l’étranger, selon les autorités.
« Racheter une Europe affaiblie »
L’exportation de ce matériel relève en fait d’un « surplus dont elle n’aurait plus besoin », précise François Jullien, philosophe et sinologue. Sur le plan intérieur, la situation se transforme en « support d’autoritarisme accru » tandis que sur le plan extérieur, c’est une « propagande » visant à montrer l’efficacité du régime chinois. « C’est non seulement une propagande pour célébrer la Chine et son organisation, mais ça va surtout devenir un outil financier et économique violent dans la possibilité de la Chine de racheter une Europe affaiblie. »
La Chine se sert de cette crise comme une opportunité. Elle viserait à « confirmer l’emprise totalitaire du parti sur le pays » en démontrant son efficacité et en faisant « la propagande d’un régime qui n’est, en fait, pas si sûr de lui, mais qui a choisi de restreindre la société civile et son droit d’expression ». En d’autres termes, Xi Jinping retourne la situation après avoir été mis en difficulté pour trouver le moyen de « contrôler et de mettre davantage en surveillance la population » pour ensuite « en montrer les résultats au monde ». Pour lui, c’est l’occasion de « faire prévaloir son régime d’autorité ».
Accusée d’avoir minimisé le danger du Covid-19 et soupçonnée d’avoir empêché l’Organisation mondiale de la santé d’envisager des mesures en conséquence, la Chine a tardé à emprunter une politique « plus rigoureuse » par la suite. Pour rappel, l’OMS a été informée de « plusieurs cas de pneumonies » dans la ville de Wuhan le 31 décembre 2019.
Depuis, 3.300 décès ont été recensés en Chine. Néanmoins, de nombreux doutes se sont installés à la suite de ce bilan surprenant pour un pays comportant 1,4 milliard d’habitants, en comparaison à l’Italie qui compte près de 20.500 décès pour 60,36 millions d’habitants. Des médecins de Wuhan ont même rapporté au Financial Times que certains patients diagnostiqués positifs n’étaient pas pris en compte dans le bilan officiel. Les doutes s’étendent jusqu’à la date même à laquelle l’épidémie s’est réellement déclarée dans le pays. « Les chiffres chinois sont certainement faux, mais pas dans des proportions invraisemblables », poursuit Jean-Vincent Brisset. Les mesures suivies par la Chine, « confinement sérieux, prise de température et port du masque en permanence », ont été, dans un certain sens, « refusées par les gouvernements occidentaux », insinuant un manque de réactivité face au degré de gravité de la pandémie.
La pression du régime chinois
Mais le fondamental de cette crise émane en grande partie du régime chinois. Les menaces qui planent sur les lanceurs d’alerte et les journalistes locaux ne les encouragent pas à dévoiler la situation réelle du pays.
« Il y a une propagande chinoise de plus en plus forte, qui est ancienne et qui est forte sur le ravalement des démocraties », alerte François Jullien. La culture chinoise a une tradition d’autoritarisme ancienne, qui comporte également une notion de contrôle « théoriquement absolue ». « La Chine est un Etat nationaliste. Et comment peut-on faire marcher le nationalisme ? Par la puissance. » L’affaiblissement de l’Europe par le virus a finalement produit une brèche dans laquelle la Chine s’est engouffrée sans attendre pour garder la main sur le reste du monde.
Etudiante en deuxième année de journalisme, je suis à la recherche d'un stage de trois mois dans une rédaction de presse.