Santé

Désinfection des rues : utile ou néfaste ?

Cannes, Nice, Montauban ou encore Suresnes. Voilà des villes qui ont décidé de prendre des mesures locales particulières afin de lutter contre la propagation du Covid-19. Critiquée par de nombreux spécialistes, la désinfection des rues a été le choix de ces maires, bien que les recommandations des professionnels de santé soient contraires.

Le gouvernement français, à l’heure actuelle, n’a pas fait le choix de généraliser cette désinfection au plan national. Ce dernier semble suivre les indications de l’Agence régionale de santé (ARS), estimant qu’ « il est plus dangereux que bénéfique de procéder à des désinfections de rues avec des produits javellisés. » Une mesure déconseillée donc mais tout de même appliquée par certains maires, à l’image du maire LR de Cannes, David Lisnard : « Ce sont des mesures qui sont additionnées mais il ne faut pas oublier les gestes barrières. L’idée est de ralentir la propagation du virus et sortir le plus vite possible de cette crise sanitaire, préserver la vie et retrouver une vie économique et sociale, car on va vers un désastre absolument majeur en la matière. »

Du côté de la capitale, sa collègue Les Républicains, Rachida Dati, candidate à la mairie, estime qu’il ne faut « pas se priver d’une mesure de bon sens », affirmant que les rues devraient être traitées. En réponse, la maire de Paris, Anne Hidalgo émet des « réserves » quant à l’utilisation de ce type de produits à grande échelle, invoquant un manque de certitudes et de preuves scientifiques sur leur efficacité.

Un autre maire est convaincu dans les Hauts-de-Seine, à Suresnes, où Christian Dupuy a décidé de recourir à cette mesure afin de « freiner l’extension du coronavirus. Ce sont des agents qui s’en occupent actuellement. Comme il y a moins de monde dans les rues, ils ont un peu plus de temps pour faire un travail plus approfondi. » Ainsi, munis de pulvérisateurs à haute pression, les agents de l’entreprise Sepur, spécialisée dans la propreté, la collecte et le traitement des déchets, parcourent la ville en désinfectant les espaces et autres installations tels que les gares, abribus, bancs, rampes, ascenseurs, vélos en libre-service ou encore les aires de jeux pour enfants. La société s’est engagée à réaliser l’opération deux fois par semaine, à la demande de la mairie. Un porte-parole de Sepur assure respecter strictement les consignes gouvernementales quant à la sécurité de ses employés : « Nos collaborateurs travaillent avec des lunettes de sécurité, une combinaison par-dessus leurs vêtements de travail, des gants de sécurité et bien évidemment un masque. »

Une menace pour l’environnement ?

Or, pour bon nombre de scientifiques et pour l’infectiologue Marina Karmochkine, c’est une mesure injustifiée à l’heure actuelle : « Je pense que cela ne sert à rien, en l’état actuel de nos connaissances. Je rappelle que le port du masque pour le personnel soignant et le confinement sont deux choses indispensables. Alors, on continue à se laver les mains et on touche le moins de surfaces contaminées possibles. Il serait en effet préférable de voir des désinfections de salles d’urgence et des surfaces sensibles dans les hôpitaux plutôt que de voir de l’eau de javel pulvérisée dans les rues. »

Christian Dupuy persiste et assure que l’opération durera dans le temps : « Cette opération dure tant qu’on est dans cette situation parce qu’évidemment la désinfection n’est pas pérenne, donc il faut renouveler chaque jour ou presque », avant de rassurer sur la composition du produit : « Il s’agit d’un produit antibactérien ordinairement utilisé pour désinfecter les cantines et autres marchés alimentaires. »

Néanmoins, ce produit n’a pas pour but d’être déployé à grande échelle et cette diffusion dans l’espace public de produits corrosifs comme la javel pourrait s’avérer toxique : « Les surfaces extérieures, comme les rues, parcs, pelouses ne devraient pas être aspergées continuellement de désinfectants. L’aspersion de désinfectants sur une large zone et répétitivement pourrait causer une pollution de l’environnement qui devrait être évitée », estime le Haut Conseil de la santé publique, en « l’absence d’argument scientifique de l’efficacité d’une telle mesure sur la prévention de la transmission du virus. »

La mise en place de cette opération sanitaire ne serait-elle finalement pas plus impressionnante qu’efficace ? Rassurer la population, fournir des images percutantes et insolites aux chaînes d’info, serait-ce le but de ces campagnes de désinfections des rues ?

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