Alors que la Chine craint une deuxième vague épidémique de Covid-19, les actes racistes se multiplient envers les Africains dans l’Empire du Milieu. Des incivilités embarrassantes alors que Pékin investit massivement sur le continent africain.
Depuis début avril, les affiches portant l’inscription « Interdit aux Noirs » fleurissent dans le sud de la Chine, particulièrement à Canton, ville dans laquelle résident environ 15 000 Africains. Une résurgence raciste vis-à-vis des Africains qui s’explique par plusieurs facteurs.
La Chine, pays où l’épidémie de coronavirus est née, craint une seconde vague du virus sur son territoire, notamment par une importation depuis l’étranger. Or, selon plusieurs médias dont Le Monde, cinq Nigérians porteurs du virus auraient fréquenté en mars plusieurs restaurants et lieux publics de Canton, ce qui a forcé les autorités locales à tester ou isoler en quarantaine environ 2000 personnes avec lesquelles ils auraient été en contact.
« Ils ont été sortis de certains hôtels »
Ces Nigérians n’auraient pas respecté la quarantaine imposée par les autorités, ce qui a provoqué la colère des Chinois à leur égard, d’où les messages haineux placardés dans la mégalopole de 14 millions d’habitants située au nord-est de Hong Kong. « Des gens ont été sortis de leur domicile, des bailleurs ont mis fin au bail de certains Africains qui louaient, ils ont été sortis de certains hôtels », explique Augusta Epanya, écrivaine et spécialiste de l’Afrique. Des pratiques qui les ont contraints à dormir dans rue étant donné qu’aucun hôtel ne les acceptait.
« Ce n’est pas impossible qu’une fois de plus on pointe les minorités qu’on considère comme responsables de la situation, ce sont un peu les boucs émissaires », enchaîne-t-elle.
Des traitements discriminatoires tout d’abord niés par les autorités chinoises, avant que celles-ci ne prennent conscience de l’impact qu’elles peuvent avoir sur leurs relations avec le continent africain. Un continent où les Chinois sont fortement implantés économiquement. « Ils doivent faire relativement attention parce qu’ils sont pratiquement partout sur le continent (africain). Ils sont plutôt bien accueillis, sans aucune discrimination, parfois maltraitant les salariés qui travaillent pour eux. Il ne faudrait pas que les Chinois soient victimes à leur tour de représailles ou la cible de vengeances, d’actes racistes, indique Mme Epanya. Les autorités chinoises ont intérêt à mettre de l’ordre dans ces dérives ».
Pour Yann Chiciak, géographe à l’Institut Catholique de Paris, les discriminations sont issues de différences linguistiques, culturelles et ethniques. « Il y a ce problème linguistique. C’est une identité culturelle qui permet d’avoir une meilleure compréhension des règles, eux (les Africains), ils découvrent, rapporte-t-il. On le voit même en Europe, chaque pays se replie sur sa propre politique, d’abord sa propre population et puis les autres. […] On se recentre sur l’identité culturelle de chaque pays ».
« Les minorités sont faiblement respectées en Chine »
M. Chiciak soulève un problème d’information, donc d’intégration : « D’autre part, on ne sait pas si ces populations sont suffisamment bien informées et intégrées parce que les deux vont de pair. On les considère plutôt comme des gens qui sont là dans un contexte économique. Les minorités sont faiblement respectées dans le cadre de la Chine, et on le voit même avec des populations d’origine asiatique ».
Signe que l’affaire est montée dans les hautes sphères, dimanche 12 avril, le président de la Commission de l’Union Africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, a indiqué sur Twitter que son bureau « a invité l’ambassadeur de Chine auprès de l’Union Africaine (UA), Liu Yuxi, pour lui exprimer notre inquiétude au sujet des allégations de mauvais traitements d’Africains à Canton ».
Une vidéo postée le 11 avril par le président de la Chambre des représentants du Nigéria, Femi Gjababiamila, montre une partie de la conversation qu’il a eue avec l’ambassadeur de Chine concernant le traitement indigne des autorités chinoises envers des ressortissants nigérians. L’ambassadeur chinois ne semble pas très à l’aise face à la tournure des évènements. La diplomatie chinoise devra donc arrondir les angles face à ses partenaires africains.