Les entreprises sont mises à rude épreuve à cause de l’arrêt prolongé de leurs activités. L’Etat les appelle à maintenir au maximum leur production pour éviter de les plonger dans une crise économique dès la sortie de la crise sanitaire, malgré le danger engendré.
Vie humaine ou vie économique ? Voilà le dilemme auquel sont confrontées la plupart des entreprises aujourd’hui. Si les plus grandes d’entre elles ne tireront pas profit de la situation, leur survie n’est pour autant pas menacée. Tel n’est pas le cas des petites et moyennes entreprises.
Pour éviter des dépôts de bilan massifs, une reprise partielle de l’activité est fortement recommandée. Elle ne pourra toutefois être envisagée sans garantir la sécurité sanitaire des employés.
Protéger ses salariés
Les services de santé au travail sont donc tout particulièrement sollicités en cette période. Ils doivent conseiller l’employeur sur les mesures à adopter pour permettre une éventuelle poursuite de l’activité, lorsque celle-ci est possible.
Les structures qui ne peuvent pas proposer d’alternatives au travail en présentiel sont donc contraintes d’appliquer des normes de sécurité draconiennes pour protéger leurs employés de tous risques.
La distanciation sociale et la mise à disposition de gel hydroalcoolique sont par exemple assez aisément applicables. Mais en ce qui concerne des ressources désormais rares, le défi est tout autre. Le déficit de masques en France fait que l’usage de ces derniers a été réservé au personnel soignant. Il peut alors s’avérer difficile de s’en procurer pour des salariés du secteur industriel, par exemple.
Les médecins du travail sont alors obligés de proposer à la direction d’autres façons de protéger les employés. L’une d’entre eux, qui a préféré garder l’anonymat, travaille dans une usine de produits chimiques et témoigne : « J’ai dit à la direction qu’on devait s’organiser différemment ou arrêter toute production. Aujourd’hui les salariés travaillent avec des visières en attendant de mettre la main sur des masques. »
Dans un certain nombre d’entreprises, la priorité reste la sécurité. En effet un employeur a une responsabilité et il se porte garant de la santé de ses employés. En cas de manque à son devoir, il peut être traduit en justice. Le médecin du travail ajoute : « D’habitude il doit faire face à une obligation de résultats, mais en cette période de crise ce sont ses systèmes de protection qu’on viendra vérifier… »
Des salariés menacés
Les employés s’inquiètent des risques de contagion auxquels ils s’exposent parfois. Les situations de stress engendrées par la maladie se font nombreuses. Un phénomène qui est prévu par le code du travail. En effet, chacun possède un droit de retrait, qu’il est libre de faire appliquer si son emploi l’expose à un grave danger menaçant sa vie ou sa santé de manière imminente. En ce sens, il ne se confronte à aucune sanction économique.
L’employeur est néanmoins en droit de le contester. S’il s’avère que la direction respecte les mesures préconisées par l’Agence régionale de Santé (ARS), et même si le salarié se sent menacé, son droit de retrait peut être refusé.
C’est ce que nous explique une responsable syndicale employée par un grand groupe bancaire : « Là où je travaille on se contente de mettre en quatorzaine un salarié touché par le virus mais pas ceux qui l’ont côtoyé comme le préconise l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Certains ont peur et souhaitent se retirer mais l’employeur le conteste et c’est au juge de trancher le litige. » Il peut alors être compliqué pour un salarié de démontrer que malgré le respect des normes de l’ARS par l’entreprise, il se sent tout de même en danger.
Une reprise jugée indispensable
Dans les secteurs essentiels l’activité est maintenue, mais le bilan économique des autres secteurs contraints d’être à l’arrêt sera catastrophique pour la France. Le gouvernement, confronté à une baisse historique de son PIB, avec une chute estimée à 6% par rapport à l’année dernière, ce qui en fait la pire période de récession depuis 1945, exhorte les entreprises qui le peuvent à reprendre leur activité, sans attendre les mesures de déconfinement.
Le vice-président du Medef, Fabrice le Saché va également dans ce sens en déclarant sur France Inter : « L’Etat ne va pas pouvoir continuer à soutenir l’économie à ce niveau-là pendant longtemps. » Pour rappel, le gouvernement a déjà mis en place un plan d’urgence de 100 milliards d’euros. Il permettra en partie d’indemniser le chômage partiel dont la demande a été faite par des salariés de 700 000 entreprises.
Le syndicat ajoute que la France s’apprête à vivre avec le virus pendant des mois, et qu’elle a besoin d’une réorganisation totale pour permettre un certain maintien de l’activité économique « parce qu’il faut bien financer l’Etat ».
Toutefois de nombreux acteurs s’opposent à cet argument, en mettant les risques pour la vie humaine au-dessus de ceux engendrés par la crise économique à venir. Une représentante du SNBC, syndicat national de la banque et du crédit déclare : « Je ne suis pas d’accord pour qu’on pousse les salariés à reprendre une activité alors que la crise est loin d’être finie. Les propos du Medef sont absolument scandaleux, les hôpitaux font à peine face à l’afflux des malades, il est encore bien trop tôt pour parler de reprise économique. »
La préparation d’un après difficile
La question de l’augmentation de la production du travail au sortir de la crise est elle aussi très importante. Le code du travail a été modifié pour permettre aux infrastructures de reprendre, dès la sortie de la crise, une activité à la hausse.
La secrétaire d’Etat à l’économie, Agnès Pannier-Runnacher a en effet prévenu qu’il faudrait travailler encore plus que nous ne l’avons fait avant pour « rattraper » les pertes économiques induites par le confinement.
Hervé Cébula, PDG et fondateur de Mediatech-cx partage son avis sur ces réformes : « Elles étaient absolument nécessaires. La souplesse qu’elles ont permis d’instaurer était même vitale. Elles sont encadrées et je sais que les chefs d’entreprises n’en abuseront pas. »
Des propos qui sont loin de faire l’unanimité, face aux craintes que fait émerger l’idée d’un assouplissement du code du travail sur le long terme.
Etudiant en deuxième année de journalisme à l'ISCPA je suis à la recherche d'un stage d'une période de trois mois en presse écrite.