Dans de nombreux pays, des Français sont encore en attente d’un vol retour. Annonces peu fiables, vols complets et absence d’aide financière, une grande partie des ressortissants se sentent abandonnés à leur sort par le gouvernement français.
En Algérie, au Maroc et en Argentine, des citoyens français sont confinés depuis le mois de février. Avec les frontières fermées, leur seul espoir repose sur la mise en place de vols de rapatriement par l’Etat français. Lisa Gaoua, une de ces françaises, attend son vol, confinée en Algérie depuis le 13 mars. « Je suis dépitée, j’ai l’impression qu’il n’y a pas de solution. Apparemment les 3 vols qui étaient prévu pour cette semaine sont déjà complets. Les informations que l’on reçoit ne sont pas fiables, on est laissés à l’abandon. Personne ne nous répond », témoigne d’une voix tremblante cette franco-algérienne bloquée à Tizi Ouzou en Kabylie. Pour cette jeune femme venue pour enterrer son père, l’attente et l’absence d’information deviennent insoutenables.
Pour les ressortissants, la démarche à entreprendre ne semble pas claire. En cause le match de ping-pong entre les ambassades et Air France, qui se renvoient les voyageurs paniqués en recherche d’un billet d’avion. Le rapatriement est mis en place par inscription sur des listes établies par Air France. Les ressortissants doivent s’enregistrer sur le site Ariane afin que le gouvernement puisse établir des priorités, notamment concernant les personnes en situation d’urgence sanitaire.
Mais en pratique, Lisa Gaoua affirme que rien ne fonctionne comme prévu. Les ressortissants ne reçoivent par exemple aucune confirmation d’inscription aux vols.
« Je suis pendue à mon téléphone, je regarde sur le site de l’ambassade afin de voir s’il y a de nouvelles annonces. J’essaye de trouver des articles de journaux qui parlent des gens bloqués à l’étranger. Je suis aussi active sur une page Facebook qui regroupe les Français coincés en Algérie. Chacun a des réponses différentes, on ne comprend pas pourquoi Air France gère les listes », s’exaspère la jeune femme.
Pour Jocelyn Bordeneuve, un Français qui a pu revenir d’Argentine le 31 mars, les difficultés pour rentrer étaient semblables : « J’ai appelé l’ambassade, ils nous ont dit qu’il fallait se débrouiller nous-mêmes pour trouver un vol. Ils nous disaient de suivre les informations sur les réseaux sociaux, raconte le jeune homme arrivé en novembre en Argentine. J’ai trouvé qu’il n’y avait aucuns effort dans l’organisation. Pour les listes, il fallait réagir super vite. Pour trouver des billets on aurait dit une bande de hyènes qui tournaient autour d’une carcasse. Il n’y avait pas de priorité, même pas pour les personnes âgées. On a même vu des gens qui n’étaient pas Français prendre des places dans l’avion. Nous sommes allés à l’aéroport sans savoir si on réussirait à monter. »
Au Maroc, même topo pour Alia Sarah Halloumi. Cette étudiante en sciences politiques venue faire un stage à Rabat en février, ne reçoit pas de réponse de la part des autorités françaises. « Je ne suis pas marocaine, je ne comprends pas que le gouvernement ne nous aide pas. J’ai appelé toutes les ambassades et les consulats. Même à la mairie de Montreuil où j’habite, personne ne m’a répondu. Je suis complètement seule et les uniques solutions que l’on m’a proposées, c’est le gouvernement marocain qui les a mises en place », explique l’étudiante de 25 ans.
Stagiaire au parlement du Maroc, elle n’a pas pu prendre les premiers vols de rapatriement après l’annonce du confinement le 8 mars à cause de son travail. Depuis, elle a été hébergée par des amis d’amis dans l’attente d’une réponse de la part des autorités françaises. « J’ai regardé les textes de loi. Je coche toutes les cases pour un rapatriement. On paye nos impôts pour ça», s’insurge-t-elle.
Pas d’aides financières pour les ressortissants

La situation est d’autant plus complexe que les billets d’avion peuvent être très chers. Il n’était pas impossible de voir des billets culminer à un tarif trois fois supérieur à l’accoutumée. Dépenses d’autant plus conséquentes lorsque l’on sait que la plupart de ces Français possédaient déjà des billets de retour. Avec le confinement, de nombreuses personnes se retrouvent au chômage, en France ou à l’étranger. Les familles n’ont donc qu’un pouvoir financier limité afin d’aider les ressortissants bloqués entre deux pays.
« Ma famille fait des collectes, des amis m’envoient de l’argent mais ils ont arrêté de travailler comme moi. Ils ne vont pas pouvoir m’aider longtemps », continue Alia Sarah Halloumi. L’étudiante espère donc ne pas devoir débourser plus d’argent pour son billet d’avion de retour : « J’ai acheté un billet pour le 5 mai et normalement le prix ne devrait pas fluctuer. Mais c’est très compliqué parce que je n’ai pas de revenus », ajoute-t-elle.
À Alger, Lisa Gaoua se trouve elle aussi dans une situation compliquée : « Nous avons payé les allers-retours durant la période du confinement. Ils nous ont coûté 500 euros pour Lyon- Alger. Cependant on nous a dit qu’ils ne seront remboursables qu’à partir du 31 mars 2021. A côté de cela, je suis en congés sans solde jusqu’à la même date, explique cette technicienne agricole. J’ai un loyer à payer, des charges. Je suis vraiment dans le rouge. »
Au téléphone, Lisa Gaoua à bout de nerfs, craque : « J’ai honte. Je suis Française. J’ai grandi en France, toute ma vie est en France, je ne comprends pas qu’on me laisse comme ça, qu’on laisse ma famille comme ça. Il y a des gens qui n’ont même pas d’attaches et qui sont bloqués ici. Je suis en colère contre l’Etat français parce qu’on nous ment », s’exclame-t-elle la gorge nouée.
Depuis le début de la crise du Covid-19, 156 000 Français ont été rapatriés depuis l’étranger. Selon Jean-Baptiste Djebbari, le secrétaire d’Etat aux Transports, ce chiffre correspond à 90% des ressortissants français. Le secrétaire d’Etat a d’ailleurs annoncé le 10 avril sur Europe 1 que les rapatriements devraient se prolonger sur une période comprise entre quelques jours et quelques semaines. Dans les groupes Facebook de Français bloqués à l’étranger, on dénombre encore des milliers de témoignages de personnes qui attendent une aide de l’Etat.
Les raisons pour lesquelles ces Français ne sont pas rapatriés sont toutefois diverses : manque de place dans les avions, situation de quarantaine à cause du coronavirus, prix des billets trop élevés ou encore distance trop grande jusqu’aux grands aéroports internationaux. Avec les ambassades et les frontières fermées, ces Français espèrent que le gouvernement ne les oublie pas. Ils demandent donc de la transparence sur le nombre de personnes encore à l’étranger et la mise en place d’un plan d’action suffisant afin de ramener chaque Français en Métropole.
Des journalistes et d’anciens ressortissants bloqués essaient quant à eux de faire bouger les choses depuis la France, en prenant la parole pour dénoncer l’abandon de ces Français par l’Etat. Claire Younsi, une journaliste et amie de Lisa Gaoua en fait partie. Elle a tenté d’alerter l’opinion publique en écrivant une tribune sur Facebook le 8 avril, qui dénonce la situation de ces citoyens français. Elle n’est pour l’heure pas remontée jusqu’aux responsables politiques.