Rythme de vie interrompu, relations sociales repensées, incertitudes exacerbées, en quelques mots : les conséquences sociales et psychologiques de l’isolement.
Vingt-huit jours de confinement se sont déjà écoulés, mais dans quelles conditions ? Peut-être au 10ème étage d’une tour, dans un logement de deux pièces, abritant une famille de cinq membres. Ou dans une maison spacieuse, entourée d’un jardin accueillant les premiers boutons de fleurs printanières. Vivre la quarantaine, selon sa classe sociale et selon un environnement défini, renvoie aux conséquences qui peuvent émerger suivant ces critères. Virginie Vinel, chercheuse au laboratoire de sociologie et d’anthropologie (Lasa), à l’Université de Franche-Comté le confirme : « Il y a d’ores-et-déjà des problèmes qui apparaissent, notamment liés à l’enfermement, aux inégalités sociales et de logement. »
De son côté, Lucie Jouvet, docteur en sociologie à l’Université de Franche-Comté, l’explique : « Une dame, qui a subi des violences conjugales durant le confinement, a essayé d’appeler plusieurs fois le numéro vert, mais il n’y avait personne au bout du fil. » À Paris, les violences conjugales ont augmenté de 36%. D’autres plateformes existent au service de la lutte contre les violences faites aux femmes, comme l’application App-Elles, créée par l’association Résonnantes, très utilisée durant cette période de confinement.
Parmi les inégalités qui se développent, il y a la question des disparités scolaires que rencontrent les enfants. Un point de vue essentiel intervient : celui des parents qui se muent en enseignants : « En primaire, des mamans sont dépassées, déclare Lucie Jouvet. Les enfants qui éprouvent déjà des difficultés scolaires, seront particulièrement affectés, contrairement à ceux qui ont des facilités. » La sociologue développe également une autre irrégularité : « Nous ne sommes pas tous égaux par rapport à l’âge, puisque les gens âgés vont être davantage isolés que les plus jeunes, qui ont accès à internet et qui ont des facilités à utiliser les réseaux sociaux. » Les personnes âgées d’Europe seront probablement destinées à vivre un confinement plus long. Selon la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, les contacts avec ces dernières vont devoir rester limités jusqu’à, au moins, la fin de l’année.
Les liens sociaux revisités
Dans ce contexte d’isolement, une nouvelle forme d’interaction sociale émerge. D’une part, à partir des réseaux sociaux, et d’une autre part, grâce à la reconnaissance de chacun envers les professions sollicitées. Lucie Jouvet le démontre : « Il y a ces moments collectifs qui n’existaient pas auparavant, comme celui à 20 heures, en faisant du bruit depuis nos fenêtres, pour manifester notre reconnaissance envers le personnel médical. » Elle ajoute : « Les enfants de mon quartier ont également accroché des dessins sur les poubelles, pour encourager les éboueurs. »
Mais qu’en est-il de l’après confinement ? À première vue, les codes sociaux (embrassades, poignée de mains, etc.) seront envisagés autrement. Annabelle, étudiante en psychologie à l’Université Diderot Paris 7, l’explique : « A présent, les gens se méfient beaucoup des autres. Il faudra refaire confiance. » Les professionnels de la psychologie évoquent également le terme “d’introspection” : « C’est la confrontation avec soi-même, et c’est difficile de faire face à soi-même, explique Annabelle. On se construit également beaucoup à partir d’une image sociale que les autres nous donnent, qui nous conforte, et que nous n’avons plus vraiment durant le confinement. »
Elle insiste aussi sur le fait que les conséquences ne peuvent pas se mesurer pendant la période de crise sanitaire. Cependant, elle confirme que le déconfinement ne sera pas facile pour tous. « La plupart se sont organisés dans une routine et auront du mal à envisager à nouveau des horaires fixes, puisqu’ils se sont habitués au télétravail », affirme-t-elle.
La crise sanitaire invite l’Homme à des préoccupations inédites, telles qu’envisager l’autre à nouveau, ou à prendre conscience des disparités encore bien trop présentes. Les conséquences socio-psychologiques émergeront, de toute évidence, dans un après confinement.
Diplômée d’un DUT information-communication, je poursuis mes études en deuxième année de journalisme.