Décryptage

Les SDF, oubliés de l’Etat

Bon nombre de sans-abris ne peuvent pas respecter le confinement imposé par le gouvernement. Des associations tentent de leur venir en aide mais souffrent également d’un manque de moyens.

En temps normal, selon l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), 150 000 personnes sont sans domicile fixe en France, 250 000 selon les associations d’aides aux sans-abris. Si quelques places d’hébergement ont été ajoutées, les centres sont vites saturés : les 25 500 places à Paris sont occupées. La ville a mis quatorze gymnases à disposition mais seulement quatre sont utilisés, faute de bénévoles.

Le site Soliguide.fr informe sur les lieux ouverts pour les sans-abris (pour ceux qui ont accès à Internet). Quelques centaines de chambres d’hôtel ont été mises à disposition dans la capitale, un chiffre dérisoire comparé au nombre d’hôtels parisiens (1600). L’Etat n’applique pas, pour le moment, la loi de réquisition qui lui permettrait de loger tout le monde.

Pour Patrick Paszkiewiez, secrétaire général du Secours populaire du Val d’Oise à Saint-Ouen-L’Aumône, les sans-abris sont encore plus défavorisés par ce confinement : « Il n’y a pas eu vraiment de mesures prises pour les sans-abris. C’est dommage. Ce sont les grandes victimes de cette crise, en dehors de tous les malades. Ils sont en quelque sorte les oubliés. Ils n’ont pas de domicile. Le confinement pour eux est impossible puisqu’ils sont dans la rue. » Un avis partagé par Claire Cherfy, membre du Secours populaire de Colombes : « Les sans-abris ne sont pas la priorité du gouvernement. Ils sont plus exposés aux risques de contamination car ils manquent d’hygiène et de protections élémentaires. »

Les associations mènent des actions tant bien que mal

Patrick Paszkiewiez constate : « Quand ils viennent nous voir, ils ont besoin de parler. Ils nous disent qu’ils s’ennuient parce qu’ils n’ont plus personne à qui s’adresser. On accueille tous les lundis des SDF au siège de Saint-Ouen-L’Aumône. On fait une grande distribution de nourriture le jeudi et le vendredi pour les sans-abris et les autres, les plus démunis qui ont trouvé refuge dans les hôtels. Les horaires sont étalés sur la journée pour éviter un rassemblement trop important. Nous avons également distribué des tentes. On reçoit plus de monde que d’habitude parce que les Restos du cœur et d’autres associations étaient ou sont encore fermées. ».

Gaétan Dujardin est responsable de la permanence accueil jeune (PAJ) de l’association nationale de réadaptation sociale (ANRS). Cette association a été créée en 1961 par le Ministère de la Santé et de la Population pour réinsérer les personnes prostitué(e)s. Elle a élargi ses missions à la protection de l’enfance et à l’insertion de jeunes adultes au sein du milieu professionnel. Il n’y a aucun bénévole dans cette association, uniquement des salariés.

Il raconte la situation de l’ANRS : « Les travailleurs sociaux sont en contact avec les jeunes qu’ils accompagnent pour les aider à organiser leur quotidien, mais par téléphone, ce qui rend le contact moins humain. Notre service s’occupe de onze jeunes (de moins de 25 ans) qui n’ont pas encore de logement. »

Tout le monde est impacté

Si les sans-abris ne reçoivent pas assez d’aides c’est parce que les associations sont impactées économiquement et qu’elles manquent de personnel. Selon Patrick Paszkiewiez : « Il y a peu d’hébergement et le Samu social est débordé, il ne peut pas accueillir tous les nécessiteux, déjà qu’il ne peut pas le faire en hiver. Nous n’avons pas de subventions dans le cadre du coronavirus, et en plus de ça nous devons annuler des événements comme la chasse aux œufs ou des braderies qui nous rapportent l’argent nous permettant d’acheter des produits de première nécessité. On aura des soucis financiers à un moment donné. C’est pourquoi nous avons lancé un appel aux dons au publics et aux pouvoirs publics mais sans être entendus, ou très peu. »

Il ajoute que« certains bureaux de poste sont ouverts, pour faciliter le versement du RSA et des prestations sociales. Le problème c’est que beaucoup sont obligés de faire des kilomètres s’ils veulent récupérer leur argent. Évidemment, cela les touche directement : tous ceux qui se tournaient vers les commerçants pour manger et qui faisaient la manche ne peuvent plus survivre ainsi. On a dû limiter le nombre de collectes dans les grandes surfaces et le nombre de bénévoles (de 80 à 30) pour respecter les distances de sécurité. A l’inverse, nous recevons un peu plus de dons alimentaires. La préfecture nous a livré une centaine de masques chirurgicaux. C’est insuffisant malheureusement. »

Gaétan Dujardin l’affirme : « Tout est plus compliqué parce que les structures administratives sont fermées. On ne peut pas trouver de travail pour se réinsérer. Tout est en attente. Nous sommes en lien avec le service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO), mais il reste difficile d’évaluer aujourd’hui le nombre de personnes encore sans-abris. »

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Etudiant en fin de deuxième année à l'ISCPA Paris. Passioné par le football, grand intérêt pour l'histoire et la géographie.

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