Pendant que la France distribue les contraventions et vérifie les attestations. En Suisse, le confinement est simplement conseillé par la Confédération et compte surtout sur l’éducation et la responsabilité de ces citoyens.
« Restez à la maison, y compris à Pâques, et même par beau temps » telles étaient les simples instructions de l’office fédéral de la santé en Suisse. Pendant que le chef des armées français Emmanuel Macron déclare « nous sommes en guerre », la Suisse temporise en choisissant la métaphore d’un parcours de marathon et officialise que la situation qui prévaut actuellement est une « situation extraordinaire». Avec pour conséquences, l’interdiction des manifestations, de rassemblement de plus de cinq personnes, un durcissement des frontières et la fermeture des commerces non-essentiels. Quiconque enfreint aux interdictions encoure une peine trois ans de prison maximum, ou est passible d’une amende. Cependant, les forces de l’ordre n’en sont pas à déambuler pas dans toutes les rues suisses et n’ont pas d’attestation à contrôler. Le système politique de la Suisse est celui d’un État fédéral. Il comporte trois niveaux politiques : la Confédération, les cantons et les communes. Le fédéralisme fait partie des fondements de l’identité nationale (sans oublier sa neutralité mythique). L’objectif est d’éviter toute concentration du pouvoir, pour modérer la puissance étatique et d’alléger les devoirs de l’État fédéral. Chaque canton gère cette crise sanitaire indépendamment. La Suisse souhaite démontrer qu’il est possible d’établir un autre système basé sur la confiance et l’éducation plutôt que le contrôle par les forces de l’ordre pour protéger son pays du COVID-19. Chacun prend ses responsabilités, pour le meilleur et pour le pire. Une anesthésiste suissse qui a souhaité rester anonyme comprend les choix de l’Etat Fédéral : « J’étais perplexe. Mais d’après ce que je vois en campagne, il y a peu de non-respect, on garde nos distances. Les Suisses sont assez responsables. On discute avec nos voisins en adoptant une distance de sécurité. Il y a toujours des contaminations mais les chiffres sont en baisse donc je pense que c’est juste ». Ce mode de gestion est désapprouvé en France comme en Suisse.
Le confinement helvétique sous la critique
Le président du Conseil d’État Antonio Hodgers, conseiller d’Etat au canton de Genève publie une lettre ouverte adressée au sénateur de Haute-Savoie, Loïc Hervé (UC-UDI). Il répond aux critiques de ce dernier sur la gestion suisse de la crise sanitaire et les risques qu’il ferait courir aux départements voisins. Une collaboration entre les départements frontaliers de l’Ain, la Haute Savoie, et le canton de Genève, ont été mis en place dès le début de la crise pour gérer l’agglomération du « Grand Genève ». Près de 40% du personnel travaillant dans les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et dans les EMS genevois résident en France. « Dès l’annonce du confinement en France à mi-mars, il y a un décalage » indique Loïc Hervé. Le sénateur craint que tous les efforts français soient réduits à néant : « On ne peut pas avoir une gestion aussi différenciée de la crise car des dizaines de milliers de transfrontalier traversent la frontière et beaucoup d’entre eux travaillent dans le domaine de la santé ». Antonio Hodgers qui prône cette gouvernance, différente du système français, insiste dans sa lettre ouverte sur la responsabilisation et la sensibilisation de sa population. Sur Heidi.news, il écrit : « L’adhésion de la population est un outil bien plus efficace que toutes les forces de police qui ont d’ailleurs d’autres enjeux à gérer. ». Mais il l’admet : « Bien sûr, il y aura toujours quelques récalcitrants (notamment parmi les jeunes pour qui le sentiment naturel d’invulnérabilité peut être présent) ». Félix un étudiant français séjournant à Zurich, s’est confiné en Suisse, il décrit « Hier [dimanche de Pâques – ndlr] il y avait vraiment beaucoup de gens dans les rues. A vélo, dans les parcs ou encore des groupes d’ami. Et pourtant, je n’ai pas pris un trajet très emprunté. Il n’y a aucun confinement et personne ne s’inquiète. Mais bon à Paris, les gens courent toujours aux abords de la Seine »
« L’équilibre est fragile. Les chiffres, de cas et de décès, continuent à progresser, mais moins rapidement. Les hospitalisations se stabilisent. Une certaine détente semble s’opérer sur le front de l’épidémie. » d’après le ministre de la Santé Suisse, Alain Berset. Ce qui semble valider la stratégie adoptée par la Suisse. 24 820 cas de coronavirus ont été recensé contre 93 700 cas en France. Mais ce système n’est pas sans conséquence. D’après RTS (Radio Télévision Suisse) depuis le début de la crise du coronavirus, « les autorités fédérales ont été incapables d’informer sur les taux d’occupation des hôpitaux et d’utilisation de respirateurs au niveau national ». Ces difficultés s’expliquent en partie par le silence de trois cantons. Mais le laxisme fait soulever à l’intérieur de la Confédération helvétique elle-même différentes oppositions. « Respectez les consignes, gardez les distances, pensez à rester à la maison », a déclaré Alain Berset, ministre de la Santé, sur son compte twitter. Mauro Poggia conseiller d’Etat au canton de Genève, fait sillonner les forces de l’ordre dans son canton et préfère opter pour une sensibilisation plus directe sur le lac de Genève.

Depuis que le pic épidémique a été atteint en Suisse, les scénarios potentiels de déconfinement fusent déjà. Lors de sa conférence de presse du 8 avril, le Conseil fédéral a annoncé vouloir présenter sa stratégie le 16 avril prochain. Certaines mesures devraient être allégées déjà avant à la fin du mois. Après trois semaines, une réouverture des marchés est envisagée dans quelques villes de Suisse romande. La Confédération à transmis les effets du confinement : le taux de chômage a augmenté à près de 3%, près de 1,5 millions de personnes sont au chômage partiel et la production dans le pays a chuté en moyenne de 25%. Une majorité politique nationale reste impatiente de remettre le pays au travail.
Luna Laferiere
Etudiante en journalisme, je recherche un stage de 3 mois dans une rédaction de presse française.