Plus d’un milliard de personnes vivent aujourd’hui dans des bidonvilles. Ces lieux sont de potentiels foyers épidémiques, avec un risque élevé d’explosion de cas du covid-19. Une réalité qui interroge alors que trois milliards d’humains sont désormais confinés.
Un urbain sur trois dans les pays en développement habite dans un bidonville, selon les chiffres de l’ONU. Toujours selon les Nations unies et les études de son Haut Commissariat pour les réfugiés, le nombre de personnes déracinées s’élève à près de 70 millions de personnes.
Organisations non gouvernementales et associations alertent sur la situation dans les camps de réfugiés ou les bidonvilles. Le point commun à ces espaces: une difficile distanciation sociale, une situation sanitaire trop précaire pour permettre le respect des gestes barrières, et un confinement privant cette population déjà précaire de revenus financiers.
Un confinement limité des populations dans les bidonvilles
Dans les pays émergents ou en développement, la mise en place d’un confinement efficace s’avère compliquée.
Dans le bidonville de Dharavi, à Bombay près d’un million d’habitants se côtoient. Les logements de fortune, construits à partir de matériaux de récupération, s’y superposent et rendent la distanciation sociale impossible. D’autant plus quand on sait que la densification de Dharavi dépasse les 300 000 habitants au mètre carré.
Le gouvernement indien a bien mis en place un confinement national. Une mesure trop tardive selon le Times of India, journal national, qui a déjà rapporté près de 43 cas de contamination du covid-19 dans le bidonville de Dharavi. Une fois amorcée, difficile d’empêcher la propagation du virus à tous les habitants.

En dépit des risques, les habitants de Dharavi ne considèrent pas le confinement comme une option viable. Alors que 80% de la population du bidonville est composée de travailleurs précaires, sortir travailler est une nécessité mais aussi une question de survie. Avec un confinement strict, les Bombayens risqueraient de mourir de faim plus que du virus.
À la précarité économique, s’ajoute l’inexistant confort de vie des bidonvilles. Au sens de la législation indienne, ceux-ci sont caractérisés par le ratio « 300 personnes pour 60 foyers », soit environ 5 personnes par habitation. Alors que les températures indiennes avoisinent actuellement les 30°c, imposer un confinement aux populations des bidonvilles semble incohérent.
La situation est la même dans les favelas du Brésil. Toutefois le président Jair Bolsonaro refuse à ce jour d’imposer un confinement dans le pays. Le chef d’État priorise la préservation de l’économie, alors que le Brésil est le pays d’Amérique latine le plus touché par l’épidémie.
L’absence de protection des personnes déplacées dans les camps
Le contexte est également désastreux pour les personnes déracinées ou déplacées, au nombre de 70 millions.
Dans les camps de réfugiés, on estime que seul un individu sur 3 000 a accès à l’eau. Pourtant, les normes WASH de l’Unicef en matière d’eau, d’hygiène, et d’assainissement recommandent 1 pompe manuelle pour 500 personnes. Un échec sanitaire qui ne respectent pas les mesures d’hygiène mises en place pour freiner la propagation du virus.
Nidhal Rojbi, chargé de mission pour l’intégration des réfugiés du ministère de l’Intérieur, souligne que « parler de confinement pour les réfugiés et les personnes dites « isolées » c’est rappeler un passé et un parcours de migration très difficile et complexe pour ces personnes ». Avant la crise, les réfugiés tentaient tant bien que mal de s’intégrer à la société. « Maintenant nous leur demandons de se désintégrer du groupe et de garder une distanciation sociale entre eux et le reste de la population » explique Nidhal.
L’alerte des associations de protection des personnes déplacées
Ces conditions sanitaires sont vivement dénoncées par les ONG présentent dans les camps. Elles regrettent l’absence de mesures sanitaires prévues pour les personnes déracinées. En imposant le confinement au sein des camps de réfugiés, les autorités les condamnent à une exposition quasi-systématique au Covid-19.
Une problématique que l’on retrouve en France, dans la « jungle » de Calais, où près de 10 000 personnes attendent une régularisation de leur situation. Les associations « Trajectoire » ou « Care4Calais » sont en alerte : la propagation du virus est rapide, faute de moyens sanitaires suffisants.

Olivier Peyroux est sociologue et engagé au sein de l’association Trajectoire. Il remarque que les bidonvilles français se sont vidés avec l’annonce du confinement, et « la majorité des personnes sont parties, rentrées au pays, en Roumanie le plus souvent ». L’association, qui lutte pour la prise en compte des populations migrantes qui habitent des bidonvilles et squats, dénonce une « mise en place lente et inégale de mesures de distributions alimentaires, d’accès à l’eau et de ramassage des ordures ».
La nécessité de mesures de santé publique mondiales
Pierre Henry, directeur général de l’association France terre d’asile se trouve dans « l’incompréhension » un mois après le début du confinement, alors qu’aucune mesure n’a été prise pour les demandeurs d’asiles enregistrés en France. « La sensibilité du Premier ministre sur ce problème semble réduite », déplore-t-il. Pourtant, « l’accès immédiat aux soins paraît est essentiel à la population » et indépendante d’un statut administratif. Alors que 104 parlementaires français demandent la régularisation des personnes en situation irrégulière, Pierre Henry estime que « au-delà de l’aspect administratif, il faut prendre des mesures de santé publique pour les demandeurs d’asile ».
La crise du covid-19 interroge donc sur la gestion des mouvements migratoires dont est témoin le XXIe siècle. À l’heure d’une pandémie mondiale, le constat est insoutenable: notre société est inégalitaire. Ces disparités rendent la survie des plus précaires difficile, dans un contexte de crise sanitaire mondiale. Le quotidien des populations condamnées à une vie dans un bidonville ou un camp de réfugiés prend alors une dimension tragique. Faute de chiffres officiels, impossible cependant d’évaluer l’impact réel du covid dans les bidonvilles et camp de réfugiés.
Étudiante en journalisme à l'ISCPA, je m'intéresse particulièrement aux affaires politiques et internationales. Je suis active sur Twitter (@AngelaLebreton) et LinkedIn (Angela Lebreton).