Entre désaccords permanents, manque de compétences en matière sanitaire et incapacité de créer du consensus autour de la gestion de la crise, la pandémie du Covid-19 met l’Union Européenne face à ses faiblesses. Malgré tout, péril économique oblige, les ministres des Finances de la zone euro ont convenu ce jeudi d’un vaste plan d’aide à l’économie.
Après des semaines de divisions communautaires révélatrices des limites structurelles de l’Union Européenne en ces temps de pandémie, un premier accord crucial a enfin été trouvé. Ce jeudi 9 avril, après des tractations avec leur homologue néerlandais qui bloquait les discussions, les ministres des Finances des pays de la zone euro se sont entendus sur un plan de soutien aux économies nationales de 540 milliards d’euros, sous forme de prêts à taux bas accordés aux Etats.
Si la Banque centrale européenne (BCE) s’est engagée à racheter pour plus de mille milliards de titres et a relancé la planche à billets (pour racheter de la dette des Etats de la zone euro), elle ne peut tenir à elle seule l’économie européenne. Un accord était donc indispensable. Mario Centeno, président de l’Eurogroupe (réunion des ministres des Finances de la zone euro), s’en félicite : « Nous avons répondu à l’appel de nos citoyens en faveur d’une Europe qui protège avec des propositions audacieuses qui semblaient impossibles il y a à peine quelques semaines. »
Reste que les 27 ne sont pas passés loin de la correctionnelle dans ce dossier, au point mort durant plusieurs jours. Comme toujours au niveau européen, pour sortir du blocage, chacun devait y trouver son compte.
Un plan en trois volets
L’accord s’articule en trois axes : jusqu’à 240 milliards d’euros de prêts du Mécanisme européen de stabilité (MES, fonds de secours de la zone euro financé par les Etats membres et créé en 2012 lors de la crise de la dette), un fonds de garantie de 200 milliards d’euros pour les entreprises, et jusqu’à 100 milliards d’euros pour soutenir le chômage partiel. Ce plan n’est donc pas financé par le budget communautaire de l’Union Européenne. Les pays membres apporteront des garanties à hauteur de 25 milliards d’euros à la Banque européenne d’investissement (BEI), qui elle prêtera aux entreprises.
De la même façon, la Commission européenne va lever 100 milliards d’euros sur les marchés pour prêter aux Etats à des taux très avantageux, pour financer la montée du chômage partiel. Enfin, le MES dispose d’ores et déjà d’une force de frappe de 410 milliards d’euros et pourra prêter aux Etats sans contrepartie. Selon l’accord final, les prêts contractés par les Etats auprès du MES pourront atteindre jusqu’à 2 % du PIB national et seront utilisables sans conditions pour les dépenses de santé et de prévention liées à la pandémie.
Des concessions pour éviter la catastrophe
C’est sur ce point que les Pays-Bas et leur ministre des Finances Wopke Hoekstra, ont consenti des concessions et débloqué les débats. Le ministre batave souhaitait que l’aide du MES soit conditionnée à l’application d’un plan d’austérité. Une exigence qui aurait donc impliqué l’imposition de mesures d’austérité en Espagne et en Italie, les deux pays les plus meurtris par l’épidémie, à l’instar des réformes imposées à la Grèce lors de la précédente crise. Mais la limitation des prêts à 2 % du PIB aura donc fini par convaincre La Haye. Le reste de l’accord (fonds de garantie de la BEI et soutien au chômage partiel) fut, lui, plus consensuel.
La question brûlante des « coronabonds » reste, elle, en suspens. Ces dispositifs de relance de l’activité par la mutualisation de la dette de la zone euro et l’instauration d’emprunts communs dont le taux d’intérêt se baserait sur la moyenne de ceux des pays membres restent un point de fracture. Berlin et La Haye continuent de rejeter la mutualisation, pendant que Paris, Madrid et Rome poussent en ce sens.
La balle est désormais dans le camp des chefs d’Etats et de gouvernement, qui se réuniront en visioconférence le 23 avril et doivent encore valider les accords de l’Eurogroupe. Parmi les débats attendus, les discussions autour du budget de l’UE pour la période 2021-2027 devrait, a priori, permettre d’y voir plus clair. Avec toujours la même crainte : une nouvelle crise de la dette et la mise en péril de la stabilité de la zone euro et de sa monnaie. L’UE et le projet européen jouent définitivement beaucoup dans cette crise.
Titulaire d'une Licence de Science Politique et actuellement en seconde année de Master journalisme à l'ISCPA Paris.
Journaliste chez LMedia - EcoReseau Business depuis mars 2019.