Santé

Traitement du cancer : une peur mesurée

En pleine crise sanitaire, les cliniques et hôpitaux en charge du traitement des personnes atteintes d’un cancer changent leurs méthodes de fonctionnement. Tout le processus de traitement est bouleversé. De l’approvisionnement des médicaments jusqu’aux soins, l’adaptation de chacun est primordiale.

Jules atteint d’un neuroblastome, détecté il y a un an, va avoir 4 ans. Cette tumeur maligne extra-crânienne est la plus fréquente chez l’enfant, soit 130 à 150 cas par an en France. « Il a eu des séances de chimio et une opération. Au début du confinement, il a commencé la radiothérapie », explique Pauline, sa mère.

Désormais, il enchaîne les consultations à l’hôpital Curie, « dans des conditions totalement différentes ». Pour pouvoir y entrer, « il te demande une convocation. Sans elle tu ne peux pas accéder à l’hôpital ». Ensuite, prise de température « pour s’assurer que tu ne sois pas malade, le port du masque est obligatoire et Jules ne peut plus avoir de visite ».

Cette situation se retrouve également au sein des cliniques privées. 1,2 million de personnes ont été hospitalisées en lien avec le diagnostic, le traitement ou la surveillance d’un cancer en 2017. Et, 2.7 millions de séances de chimiothérapie et 216 400 en radiothérapie ont été répertoriées en 2017.

Au sein de la clinique Hartmann à Neuilly-sur-Seine, « Avant même que le gouvernement annonce le confinement, nous avions pris des mesures. Nous avons interdit les accompagnants et mis en place des règles de distance entre les sièges. On essaye d’isoler chaque patient pour limiter les contacts », explique Khadija Boumaaz, cadre de soin du service chimiothérapie.

Une infirmière de la même clinique souhaite rassurer ses patients. « Tout a été fait rapidement. Notre cadre a vraiment tout bien gérée », se réjouit Cécile Gandolfo, une infirmière. Des faits validés par Khadija Boumaaz. « On me reproche parfois d’être fourmis. Dans mon service de chimio, nous n’avons pas eu de pénurie et nos stocks sont pleins. Nous avons des masques, des blouses et du gel hydroalcoolique. »

Moins en contact avec les patients mais d’une grande importance, Barbara Lortal, docteur en pharmacie, chef de service de la Pharmacie à usage intérieur, se charge de l’approvisionnement en médicaments de l’Institut Bergonié, le centre régional de lutte contre le cancer. « On approvisionne les hôpitaux, les pharmacies et les malades. On a des patients de partout en Aquitaine qui viennent s’approvisionner chez nous. » Pas de pénurie à déclarer selon ses dires. « On est certes en tension sur de nombreux médicaments. Mais, ça existait déjà avant la crise. Avant qu’elle ne prenne de l’ampleur, on avait fait des stocks donc on arrive à assurer le meilleur suivi médicamenteux aux patients. »

Un stress très présent

Le service chimiothérapie de la clinique Hartmann accueille actuellement 55 patients. S’y ajoute entre 15 et 20 pendant la crise actuelle. « On a ouvert un nouveau service de chimio pour traiter les patients de l’hôpital public de Beaujon », signale la cadre de soin. Le personnel de l’hôpital Beaujon ayant été mobilisé pour lutter contre le coronavirus, la clinique a décidé de proposer son aide.

Plus de monde, plus d’angoisse pour une patiente. « J’ai un système immunitaire déficient, donc évidemment, je me sens en danger. Malgré les mesures prises, je ne me sens pas en sécurité. Il y a du monde, le staff, les autres patients. Il y a trop de proximité. Je ne sors pas les autres jours, donc s’il y a un endroit où je peux être infectée, c’est ici », notifie Ingrid Gamba, ayant contracté un cancer du sein 6 mois auparavant.

« Les patients sont plus fragiles et ils le savent. Il y a plus d’anxiété et de stress », confirme Cécile Gandolfo. « Il ne ressent pas d’angoisse. Il passe du temps avec ses parents et ses frères. Il joue dans le jardin. Mais, pour nous, en tant que parents, c’est plus stressant. On sait qu’il est plus vulnérable. On n’a pas envie, qu’en plus de sa tumeur, il attrape ce virus », explique Pauline, mère de Jules. « Le traitement ne peut pas s’arrêter. Il faut éviter que la maladie ne revienne. »

Une situation similaire pour Ingrid. « Je suis inquiète mais le traitement doit se poursuivre. L’oncologue a été claire, je ne peux pas arrêter. Au-delà des risques du virus, si je l’attrape, je devrais arrêter ma chimio. Et ça peut permettre au virus de repartir. »Au-delà des patients, le personnel du système de santé est aussi inquiet. Pour Cécile Gandolfo, la situation est « d’autant plus angoissante. On doit être très vigilant. On a peur qu’on ne soit plus assez nombreux pour travailler dans de bonnes conditions. Est-ce qu’on va avoir des contaminations au sein de nos équipes, on ne le sait pas. » A l’heure actuelle, « aucun personnel n’est testé positif au Covid dans mon service », rassure Khadija Boumaaz.

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