L’ampleur de la crise liée à la propagation mondiale du Covid-19 demeure à l’heure actuelle incertaine. Néanmoins, un confinement prolongé constituerait un réel suicide économique.
Éviter la casse sanitaire ou éviter le crash économique. C’est est la boussole guidant les décisions politico-économiques relatives à la crise du Covid-19. Cet impossible choix nourrit toutes les décisions des ministres de l’économie et des instances économiques internationales. Car nul ne peut prétendre sauver des millions de vie et éviter une récession économique mondiale. Les enjeux sanitaires et économiques sont étroitement liés. C’est pourquoi les mesures de confinement, bien qu’elles permettent de limiter le nombre de cas de contamination au Covid-19, entrainent des conséquences macroéconomiques (décisions étatiques ou supra-étatiques) et microéconomiques (décisions d’un individu et d’une entreprise) dévastatrices. Ainsi, le confinement total a engendré une baisse de l’activité de l’ordre d’environ 36%, selon la dernière étude de conjoncture de l’INSEE.
Tous les principaux indicateurs macroéconomiques virent au rouge. LE PIB français a chuté d’environ 6% au premier trimestre de l’année 2020, le déficit public explose (selon diverses estimations, celui-ci pourrait grimper jusqu’à 7%) et les investissements connaissent une inexorable baisse du fait de la crise de confiance. Chaque mois complet de confinement équivaut à une perte d’environ 3 points de croissance du PIB annuel. À ce rythme, le risque de récession économique majeure se confirme. La durée incertaine du confinement renforce les craintes des économistes.
« Il y a aujourd’hui un véritable risque si on continue à faire du confinement total comme on le fait depuis maintenant plus de trois semaines » commente Philippe Crevel, économiste, directeur du Cercle de l’Epargne, fondateur de la société d’études et de stratégies économiques Lorello Ecodata et spécialiste des questions macroéconomiques. Et d’ajouter : « Cela aurait des incidences à la fois économiques et humaines non négligeables, puisqu’une récession génère également un nombre de drames, de morts, de maladies supplémentaires. Il faut faire un arbitrage, ce qui n’est facile, entre le risque sanitaire lié au Covid-19 et les risques économiques et humains que peut engendrer une récession forte et longue. »
Selon Frédéric Roche, économiste et rédacteur en chef de la revue bimestrielle Economie et Politique « la fragilité de l’économie nationale et mondiale est en réalité antérieure à la crise sanitaire, qui n’a fait qu’amplifier le processus de surendettement des acteurs privés, d’ingestion massive de liquidités dans le circuit économique, qui fragilise les économies plus qu’elle ne les aide. »
L’exercice de prévisions macroéconomiques étant dans ce contexte incertain un exercice de haute voltige du fait de la durée incertaine du confinement est à l’heure actuelle impossible d’établir précisément l’ampleur de la crise. En revanche, il est un point sur lequel de nombreux observateurs s’entendent : la capacité de rebond de la consommation une fois la crise passée sera décisive.
Tout dépendra des modalités du déconfinement, mais aussi du climat économique général. « S’il y a des entraves aux déplacements et aux achats pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, cela créera engendra deux facteurs. Premièrement, un sentiment de peur, de crainte et cela est mauvais pour la consommation. Deuxièmement, on ne pourra pas dépenser donc cela favorisera l’épargne. Si, en revanche, on arrive assez rapidement à retrouver un climat de confiance positif, il y aura évidemment un rebond de la consommation. » expliquele directeur du Cercle de l’Epargne.
Le confinement total et prolongé présente de surcroît un risque déflationniste (hausse de l’inflation et récession économique) majeur. La hausse durable des prix freine la consommation, alors même que la baisse du PIB se prolonge (l’INSEE considère qu’un pays entre en récession dès lors que son Produit intérieur brut se replie sur deux semestres consécutifs. Une déflation généralisée engendrerait une baisse drastique des capacités de production, une diminution de la demande, ces facteurs provoquant une spirale déflationniste sur plusieurs années.
Un climat anxiogène nuisible à la relance de l’économie
Les décisions économiques et financières doivent être proportionnées pour éviter que la spirale déflationniste ne soit enclenchée. Or, les quantités de monnaie injectées dépendent intrinsèquement de l’évolution de la crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19. C’est pourquoi une surenchère des plans de soutien à l’économie est observée à l’échelle mondiale. Jeudi 9 avril, après de longues et âpres négociations témoignant de la crise existentielle européenne que révèle cette crise, les 27 Etats-membre de l’Union Européenne se sont finalement entendus sur un plan de relance de 500 milliards d’euros. « Au-delà des montants, c’est qu’est-ce qu’on va faire de l’argent qui est important. » tranche Philippe Crevel.
Malgré les temps particulièrement difficiles auxquels nous sommes confrontés, il est nécessaire que le climat économique demeure positif. La relance de l’économie ne peut se faire dans un climat anxiogène alimenté, selon M. Crevel, par la communication « contradictoire » du ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire. « Dire que nous sommes dans une situation qui est pire que celle de 1929 ou qu’on pourrait être dans une situation comme en 1929, cela n’est pas très mobilisateur. Il vaudrait mieux avoir un langage positif, permettant aux entreprises de reprendre leur activité dans un climat de confiance et non anxiogène, une fois la crise derrière nous » confie-t-il.
De toute évidence, les conséquences économiques et financières liées à la crise sanitaire du Covid-19 seront dévastatrices. Il nous appartient, en prenant les bonnes décisions, d’en limiter l’ampleur. L’une d’entre elles étant le changement de modèle économique.
Étudiant en troisième année, je suis particulièrement intéressé par les sujets : politique, géopolitique et économie.