Chaque soir, Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé énonce un macabre bilan : le nombre de personnes décédées en 24h du Covid-19. Nous en sommes aujourd’hui à plus de 10 000 morts. Mais à l’heure du confinement où toutes nos habitudes sont chamboulées, comment se passe l’enterrement d’un proche ?
Un responsable des pompes funèbres familiales Colliot, situées à Levallois-Perret explique : « C’est comme pour tout rassemblement, il faut qu’il y ait un minimum de personnes mais un maximum de sécurité. Ce n’est pas forcément évident d’expliquer aux familles endeuillées qu’il n’y aura pas tous les membres de la famille. Ils comprennent la situation mais ont du mal à l’accepter. » Décéder du Covid19, implique un traitement particulier du défunt :
« Comme pour chaque maladie infectieuse ou contagieuse. Il n’y a pas de présentation du corps avant la mise en bière*. La famille ne peut donc pas dire au revoir au défunt. » Concernant les risques de contamination : « Nous n’avons pas de funérarium, ni d’équipe pour aller chercher les corps. Nous ne sommes donc pas assujettis à une probable contamination. A l’inverse des porteurs, qui eux vont chercher les corps, ainsi que ceux qui procèdent à la mise en bière. »
Il faut également noter qu’avec la fermeture de la totalité des fleuristes, il est presque impossible de fleurir les tombes : « Ce qui nous pose problème c’est que nous avons de la marchandise, mais avec l’interdiction de la vente directe, nous ne les vendons pas. Nous avons également beaucoup d’entretien de sépultures, mais comme les cimetières sont fermés on ne peut plus exercer notre activité. »
Quid des cérémonies religieuses ? : « On trouve toujours des compromis ! Par exemple à l’église Saint-Justin de Levallois, les rassemblements sont interdits, mais l’on peut demander au prêtre de se rendre au cimetière pour y réaliser la cérémonie religieuse. »
Cependant les rites funéraires juifs et musulmans sont d’ores et déjà perturbés avec cette crise sanitaire. Par exemple, l’impossibilité pour un défunt musulman d’avoir droit à la Janaza. Une prière funéraire, habituellement accompagnée du lavement du défunt en direction de la Mecque. Il en va de même pour la religion juive, où une toilette mortuaire est normalement requise.
Quant à la reprise des cérémonies habituelles à la fin du confinement, il affirme : « Il y aura un léger temps d’adaptation. Mais dès la levée du confinement, les familles reprendront les us et coutumes traditionnels d’une organisation d’obsèques. Ça reviendra très rapidement à la normale je pense. »

La tristesse décuplée des familles
Victoria L. a perdu son grand-père la semaine dernière : « Il n’est pas mort du coronavirus. Nous avons donc pu aller le voir au funérarium pour le saluer une dernière fois et assister à la mise en bière. Nous ne pouvions rentrer que deux par deux, et nous devions porter un masque et des gants. » Concernant la cérémonie au cimetière : « Seul dix personnes étaient autorisées… Il n’y avait pas de contrôle à l’entrée du cimetière mais le prêtre veillait au respect des consignes. »
Le défunt n’a pas pu bénéficier d’une cérémonie à l’église : « C’était assez expéditif, le prêtre a le droit à dix minutes de parole. Il a fait quelques prières et a béni le cercueil puis c’était fini. » Victoria regrette également de n’avoir pu fleurir la tombe de son grand-père : « Nous avons donc dû nous consoler avec deux bouquets de roses achetés en urgence à Carrefour, ainsi que quelques fleurs ramassées dans notre jardin. C’est horrible d’en arriver là. » Une fois le confinement levé, cette famille endeuillée souhaite effectuer une autre cérémonie : « Nous voulons une cérémonie à l’église, avec ses amis et le reste de sa famille afin d’honorer sa mémoire. Apparemment nous ne sommes pas les seuls, beaucoup de familles ayant un proche durant cette crise souhaitent refaire quelque chose. Le prêtre nous a dit que c’était possible. »
Rappelons également que le pic de l’épidémie n’est pour l’heure toujours pas atteint en France, les employés des pompes funèbres s’attendent donc à une charge de travail conséquente dans les semaines à venir. Il faut noter que les morgues sont proches de la saturation. Pour soulager les services funéraires, l’Etat a transformé un bâtiment du marché de Rungis en morgue géante. Il faut remonter à la canicule de 2003 pour trouver un précédent. Il y avait eu à l’époque plus de 15 000 morts.
*Pose du corps dans le cercueil
Matteo Pasteau